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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes
Autoren: Christian Bernadac
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des barrières, un verger, une église, une ferme, les dernières maisons de la ville. Derrière la cuisine, il y a un pré ; c’est moins beau qu’un pré, mais il y a l’herbe qui a poussé librement et, parce qu’elle n’est pas très belle, nous avons le droit de nous asseoir. Nous sommes presque heureuses.
    — Le block se compose de dix pièces. L’une devient le « Revier » ; chacune des autres doit contenir trente détenues. Les lits sont superposés et par groupe de deux. Les matelas sont faits en déchets de caoutchouc.
    — Nous avons une seule couverture. Quoique neuf, l’ensemble est pauvre ; tout est fabriqué avec des succédanés. Nous sommes à peine entrées dans les chambres que déjà deux lits s’écroulent avec leurs occupantes, mais ce soir rien ne semble devoir ébranler notre optimisme confiant…
    — Nous étions commandées par un homme : l’Oberscharführer Michel, long, mou, malade, S.S. fanatique. Il partageait sa souveraineté avec la Rousse. Dans le civil, celle-ci avait été bonne à tout faire. La chef de cuisine : la Panthère, belle et mauvaise, avait été fille de salle. Une dizaine d’Aufseherinnen, que nous avions baptisées les « souris », nous surveillaient. Je note les plus mauvaises : M lle  Zimmermann, dactylo de métier, surnommée la « Vache » – la « fée Carabosse », Hongroise d’origine, qui avait été ouvrière d’usine – le « Troupier » qui était danseuse de claquettes – le « Roquet » et « Rumdada », surnommée ainsi parce qu’elle hurlait toujours les mêmes mots : « Ruhe da ».
    — Et voici le troupeau. Nous étions 266 femmes, dont 44 Russes (17 étaient soldâtes), quelques Italiennes, quelques Belges, 5 Espagnoles, une Luxembourgeoise, le reste des Françaises. Par nos origines sociales, nous représentions une coupe en profondeur. Le coup de filet avait amené de beaux noms de France, des ouvrières, des commerçantes, quelques étudiantes, des professeurs, un médecin, des infirmières, des filles publiques, des femmes sans profession, otages pour leur mari.
    — Les premiers jours, nous étions sans cohésion, sans discipline. À part les communistes qui formaient un groupe constitué, – elles avaient pour la plupart déjà l’expérience de quatre ans de prison, et étaient en plus habituées à une discipline de parti – les autres manquaient d’esprit de solidarité. Elles s’étaient retrouvées par petits groupes affectueux, sans lien les uns avec les autres. La première communion de toutes a été notre première victoire. Nous avions décidé d’honorer publiquement notre fête nationale par une minute de silence. Le 14 juillet 1944, à midi, dans l’usine Continental, nous nous sommes toutes levées. Les souris nous regardent ahuries et mauvaises. L’une d’elles téléphone au block : «   Une émeute se prépare. » Des cris partent : « Sitzen Ruhe », les premiers coups tombent. Nous nous asseyons, toujours dans un silence absolu : la minute était passée…
    — Nous étions à l’usine douze heures par jour. Le travail se faisait par équipe, équipe de jour, équipe de nuit. La plus redoutée était l’équipe de nuit. On partait alors à cinq heures et demie du soir ; travail à la chaîne jusqu’à minuit avec une pause de cinq minutes toutes les heures, reprise à une heure et chaîne jusqu’au matin. Pendant la nuit nous avions fait douze mille masques et commis je ne sais combien de crimes. Le chiffre exact nous en était fourni au retour. Quand nous arrivions au camp, au lieu d’aller nous coucher, nous étions rangées dans la cour. La « Rousse » arrivait ; elle lisait nos crimes.
    N° 5634 a mal mis son foulard. Une mèche de cheveux dépassait.
    N° 5742 a raccourci sa robe.
    N° 5436 a ri à l’usine.
    N° 5285 a pris un déchet à l’usine pour lacer ses chaussures.
    — Les coupables arrivaient, une à une. La « Rousse » les passait en revue et les regardait longuement. Avant de les battre, elle jouissait de leur peur. Tout à coup c’était la détente, une, deux, trois, quatre fortes gifles claquaient. Trop heureuse la victime qui savait supporter le choc sans sourciller, sans tomber, sans essayer le moindre mouvement de défense, car si elle avait le malheur d’esquisser un geste des bras, ce réflexe de protection était appelé attaque. Elle était alors jetée à terre, piétinée. Quand la « Rousse »
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