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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes
Autoren: Christian Bernadac
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était fatiguée de battre, elle se faisait remplacer. Ne croyez pas que je force la note : « Yvon » est sortie d’une de ces séances le visage noir, enflé, méconnaissable.
    — Pour avoir ri à l’usine, crime qu’on baptisait : manque de respect à une « Aufseherin », Simone a été battue à coups de poing. Elle a dû être trépanée. Pour le même délit, « Poussin » , la plus jeune du groupe, fut si malmenée qu’elle en perdit la raison pour quelques jours. La vue seule d’un uniforme lui arrachait des cris déchirants. Et nous devions assister à tout cela immobiles, en rang. Nous ne devions ni pleurer ni rire (j’ai vu des femmes que la trop forte émotion faisait rire), sinon nous subissions le même sort. Souvent, la scène passée, nous pouvions rentrer et nous coucher ; mais plus souvent la punition devenait générale et après douze heures de travail, douze heures de nuit, nous restions dehors, attendant le bon vouloir de nos bourreaux pour dormir ou pleurer…
    — La « Continentale » avait triste mine quand nous l’avons connue. Une bombe soufflante avait enfoncé les portes, arraché les plâtres, cassé les fenêtres et tout avait été bouché avec des moyens de fortune : des briques, du carton, du bois. Nous travaillions toujours à la lumière électrique et l’aération laissait à désirer. La benzine, le caoutchouc qui n’étaient ni de la benzine, ni du caoutchouc, dégageaient une odeur suffocante.
    — Nous étions chargées de la fabrication des masques à gaz. Voici en quoi consiste le travail :
    — Le caoutchouc arrive en plaques ; il est coupé, ourlé, puis moulé sur des formes de fer. Les « têtes » avancent sur des tapis roulants, à égale distance les unes des autres ; les arêtes sont marquées sur le tapis par des soies blanches. Le tapis fonctionne au moyen d’un mouvement d’horlogerie qui est accéléré au fur et à mesure que s’accroît notre adresse. Chaque essai d’accélération de la « vitesse » s’accompagne chez nous de maladresse voulue, chez les « souris » d’un surcroît de violence. Le résultat final est toujours un moyen terme. Neuf mois durant, personne n’a su nous obliger à la vitesse prévue. Il y avait chez nous le désir de freiner la production, mais surtout, étant donné le peu d’importance stratégique que représentaient les masques, la volonté de protéger notre santé.
    — Les femmes assises autour de la chaîne, chacune son tour, soulèvent la tête de fer, l’accrochent sur un pivot, font le mouvement précis qui est exigé et replacent le masque sur la chaîne. Une autre tête est déjà là. Tout geste superflu est interdit, sinon la tête passe, s’en va et se laisse cueillir là-bas au bout de la chaîne par la souris qui attend. Son retour est synonyme de punition.
    — Vers le matin surtout, quand les bras fatigués ne peuvent presque plus soulever les têtes, quand les yeux ouverts sont sans regard, les masques deviennent des dieux avides qui aiment les sacrifices humains. La chaîne est insatiable, elle en apporte toujours ; une tête part, une autre est déjà là et dix, vingt, trente sont sur le tapis ; et ces dix, vingt, trente avancent lentement, régulièrement, sans mouvement, et nous devons les servir. Pendant des semaines, notre sommeil sera hanté par ce tableau.
    *
    * *
    — La machine x à laquelle je travaille est le tourniquet. Comme le dit son nom, elle tourne constamment et fait penser à un manège. Une heure suffit pour faire tourner la tête au point que l’on a l’impression de tomber. Et nous travaillons là onze heures, car nous n’avons qu’une heure de repos. Physiquement nous sommes favorisées par rapport aux camarades à la chaîne qui doivent manier des formes très lourdes, je ne parle même pas des malheureuses qui poussent les chariots ou qui travaillent près du four. Mais les mouvements très limités (je ne fais que trois petits mouvements saccadés, je colle le masque), l’éternel tournoiement usent nos nerfs et nous endorment la nuit. C’est un supplice de Tantale. Celui-ci avait soif et faim et nous avons faim et sommeil. Pour remédier un peu à cet état de choses nous apprenons tous les gestes nécessaires pour les travaux de la machine et alors nous changeons de fonction. Seulement, ceci étant interdit, nous sommes souvent punies. Nous apprenons à nous méfier et, la machine se trouvant à l’écart, nous voyons assez
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