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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes
Autoren: Christian Bernadac
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allez trouver. Une loterie ! Et une loterie truquée où seule la banque gagne. Sur des dizaines et des dizaines de kommandos, sans doute un seul bon numéro, quelque chose dans le genre : saisonnier agricole. Mais là aussi truquage, dés pipés ; le « marchand de vaches », la Binz, les employés du bureau du travail, les amies des kapos, des chefs de chambre, les « privilégiées » sont dans la confidence et tout ce beau monde a quelqu’un à protéger. La liste de départ donne lieu à d’affreux marchandages et lorsque les numéros sont criés sur la place d’appel, soyez sûres que rien n’a été laissé au hasard.
    Kommandos.
    Peut-être que les « anciennes » qui affirment : « Tous les kommandos sont mauvais », ont tort.
    — Et pourquoi donc ?
    — Oh ! tout simplement parce que rien ne peut être pire que Ravensbrück. Là-bas nous serons moins nombreuses, nous travaillerons certainement en usine, en atelier, au milieu de civils, peut-être de prisonniers de guerre, de requis du S.T.O. Une direction ne peut accorder un régime particulier à chaque catégorie d’ouvriers d’une même usine, fabriquant la même chose. Et puis c’est la guerre. En dehors des camps de concentration, tout le monde est logé à la même enseigne. Restrictions. Mais restrictions cela veut dire : dans notre gamelle, deux fois, trois fois plus qu’à Ravensbrück. Dans une usine la nourriture est identique pour les ouvriers…
    — Je vous signale qu’à Ravensbrück aussi nous vivons ensemble, « sous le même toit », S.S. et déportées, et que je sache, les S.S. sont mieux traités que nous.
    — En kommando extérieur, les informations, les contacts, les échanges seront plus faciles à obtenir.
    Réfléchissez. Nous allons travailler pour le Reich qui manque de bras. Donc, considérées comme bêtes de somme et au pire uniquement comme bêtes de somme, ils seront bien obligés de nous soigner, de nous maintenir en forme, s’ils veulent que nous soyons rentables et ils le veulent. D’ailleurs les industriels payent notre location à l’administration S.S. : trois, quatre, cinq marks parfois sept ou huit pour les spécialistes hautement qualifiées et nous savons toutes que notre entretien ne coûte à l’administration du camp que trente ou quarante pfennigs par jour. Donc, et c’est logique, tout le monde est gagnant dans ce trafic et le commandant du camp en premier. Pour lui une morte c’est une perte quotidienne de plusieurs marks.
    Kommandos.
    Les « anciennes » qui affirment : « Tous les kommandos sont mauvais », ont raison.
    — Et pourquoi donc ?
    — Vous oubliez que vous êtes des déportées, des numéros, des choses ; mieux encore : ils disent des Stücks, des morceaux. Des morceaux d’un tout. Morceaux innombrables, inépuisables, remplaçables à souhait, au moment, à l’instant. Vous parliez de bêtes de somme. Ridicule. Vous êtes moins qu’un animal domestique. Vous raisonnez en terme d’économie traditionnelle. Eux, en cette période, cette guerre d’exception, ont inventé une économie d’exception où l’homme prisonnier n’est plus considéré comme un homme. Il n’existe pas. Il est une pièce mécanique que l’on jette quand elle grippe. Nous sommes des pièces usagées que l’on brûle après avoir récupéré l’or des dents, les cheveux pour l’industrie textile, les miettes d’ossements calcinés pour les engrais agricoles, les cendres pour remplacer le sel que l’on jette sur les routes verglacées. Un animal domestique : cheval, vache, âne, buffle, chameau, mouton, cochon, volailles, doit être acheté, nourri, élevé, protégé… Il est un capital inestimable en temps de guerre. De plus, en général, il se mange. Il est irremplaçable. Vous, vous sortez du tonneau des Danaïdes et le « rendement » exige que vous soyiez remplacée par une nouvelle arrivante au moindre signe de fatigue, d’épuisement, de maladie. Tous les kommandos sont mauvais. Vous le verrez. Vous le vivrez… le plus longtemps possible j’espère. Ah ! j’oubliais le principal : vous n’avez pas le choix.
    *
    * *
    Kommandos.
    Le 30 avril 1942 restera la date clé du « système concentrationnaire nazi ». Ce jour-là, Oswald Pohl, chef de l’Office Central Économique et Administratif des S.S. définit dans une lettre à Himmler la vocation nouvelle des camps. La guerre évoluant transforme leurs structures et modifie fondamentalement
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