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Khadija

Khadija

Titel: Khadija
Autoren: Marek Halter
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dire qu'elle avait songé au jeune Muhammad ibn `Abdallâh risquant sa vie sur la route du pays de Sham pour y mener ses affaires. Non, ce serait un mensonge.
    Ce qui l'avait émue jusqu'aux os en cet instant ne possédait aucune forme précise. Simplement, elle avait vu, ou senti, ou cru sentir, une mise en garde. Quelque chose de fugace. La conscience d'un appel des dieux ? Ou du soleil écarlate ?
    Comment savoir ? Tout, dans cette émotion, lui soufflait qu'elle ne devait pas encore revêtir cette tunique. Non, cela devait attendre un autre moment. La porter maintenant serait la souiller.
    Puis, aussi vivement qu'elle était venue, cette émotion s'effaça, balayée par les cris des servantes.
    — Saïda ! Saïda Khadija !
    Excitées, fébriles, elles dressaient un miroir d'argent au milieu de la terrasse.
    — Viens te voir avant que la lumière soit trop faible, réclama Barrira.
    Malgré les piqûres et le bosselage qui déformaient le reflet ici et là, ce qui était à voir se voyait bien assez. La tunique merveilleuse moulait le corps de Khadija, soulignant beauté et défauts mieux qu'une main ne l'aurait fait. C'était pire que d'être nue. Rien n'échappait au regard : la courbe pleine des cuisses et des hanches, la rondeur du ventre et des épaules, le poids ferme de la poitrine et jusqu'à la pointe des seins qui tendait le tissu comme deux pierres.
    Une femme sans plus de jeunesse, mais avec toute l'ampleur d'une chair que plus d'un homme aurait désiré plier sous son désir.
    Khadija eut un sursaut de dégoût. Qu'Al'lat la protège ! Était-ce la vision qu'elle voulait offrir à cet hypocrite d'Abu Sofyan ?
    Qu'allait-il croire ? Qu'elle voulait se vendre ? Qu'elle le suppliait ? Qu'elle était en mal d'homme et de jouissance ? Une femme ayant perdu toute raison au cours de son long veuvage ?
    Point n'était besoin d'exciter l'imagination d'un homme comme Abu Sofyan al Çakhr. Nul doute que sa visite en était déjà pleine, d'imaginations de ce genre.
    Elle donna un coup si violent dans le miroir qu'il échappa aux mains des servantes et rebondit sur la terrasse à grand bruit.
    — Êtes-vous folles ? hurla-t-elle. Voulez-vous ma perte ?
    Cette fois, Barrira et les servantes comprirent qu'il n'y avait plus à insister. Khadija retira si violemment la tunique merveilleuse qu'elle manqua de la déchirer. Nue à nouveau, elle réclama de l'eau et qu'on la frotte avec des feuilles de sauge et de thym.
    — Khadjiî ! Tu vas...
    — Tais-toi et fais ce que je te t'ordonne. J'empeste le musc comme une bédouine abandonnée. Crois-tu qu'Abu Sofyan ait le nez bouché ? Vous autres, dépêchez-vous, apportez-moi ma robe noire à torsades dorées.
    — Saïda... La noire, mais...
    — Ne discutez pas ! Vite ! Il ne va plus tarder.
    La nuque inclinée, craintives, les servantes s'affairèrent autour d'elle. On apporta un nouveau baquet d'eau claire. De cette eau si précieuse et si rare qui nécessitait chaque jour un long ballet de mules afin de remplir une citerne à peine suffisante pour la maisonnée. De nouveau les linges ruisselants volèrent sur la chair nue de Khadija, noyant les parfums âcres et apaisant les émotions malfaisantes.
    Quand ce fut terminé, une très jeune servante apporta la simple tunique de lin que Khadija allait revêtir sous la robe. Les yeux de l'esclave dévoraient le corps nu de sa maîtresse, qui levait les bras pour recevoir le vêtement. Elle murmura :
    — Que tu es belle !
    Un instant plus tôt, Khadija n'aurait répondu que par un grognement méprisant. Mais l'émotion de la servante lui parut si sincère qu'elle se retint, touchée à son tour. Clémence d'Al'lat ! Cette fille à peine nubile la trouvait belle, véritablement. Elle ne voyait ni l'âge ni les usures de son corps de femme mûre. Et qui sait, dans son innocence, cette enfant voyait-elle un peu de vérité ?
    — Tu es nouvelle dans ma maison, remarqua Khadija avec douceur.
    — Trois lunes, saïda. Mais au service de ta chambre uniquement depuis que nous vivons ici, dans la montagne.
    Elle parlait avec aisance, usant avec distinction de la langue du désert du Sud plutôt que de celle de Mekka, mais de façon très compréhensible, malgré son fort accent qui trahissait le pays étranger d'où elle venait.
    — Comment te nommes-tu ?
    — Ashemou. Ashemou bint Shir al Dhat.
    Dans sa fierté, elle haussa le ton et releva le menton. Qu'elle abaissa aussitôt.
    — Ici,
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