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Khadija

Khadija

Titel: Khadija
Autoren: Marek Halter
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de la caravane. Du coin de l'œil Muhammad devina Yâkût al Makhr, le chef des hommes d'armes, qui déjà levait son sabre. Hurlant, il haranguait ses mercenaires tout en faisant tournoyer son méhari noir.
    Puisse-t-il être aussi courageux et cruel qu'on le prétend, songea Muhammad.
    Le vieil Abu Nurbel fit pivoter son méhari pour rejoindre le mercenaire. Dans un réflexe, Muhammad bascula sur le flanc de sa monture, attrapa la bride serrée sur la joue du chameau d'Abu Nurbel. D'une torsion du poignet, il l'immobilisa. Le vieux glapit de fureur, leva sa cravache pour le frapper au visage.
    — Abu Nurbel ! Non ! hurla Muhammad. Écoute-moi. Laisse Yâkût se battre. Conduis la caravane et les femmes vers l'est, protège-les !
    La bouche béante et les yeux agrandis de colère, le vieux le dévisagea. Muhammad crut que la cravache allait s'abattre sur lui. Il insista :
    — Je t'en prie, fais-moi confiance ! Je vais lancer les vieilles chamelles contre eux. Sauve la caravane. Éloigne-la du combat !
    Le temps d'un éclair, ils s'affrontèrent du regard. Autour d'eux les cris redoublaient. Les esclaves braillaient, frappant les chameaux et semant le chaos en transmettant leur panique aux bêtes.
    Là-bas, dans la brume solaire, la ligne noire des pillards grossissait. On eût cru une rangée d'insectes malfaisants dansant dans l'air brûlant du reg.
    La nuée de poussière couleur de sang était trop vive pour une course de chameaux, jugea Muhammad. Sans doute y avait-il parmi eux des hommes à cheval.
    — S'il te plaît, Abu Nurbel, répéta-t-il, fais-moi confiance.
    Une grimace déforma le visage du marchand. Peut-être l'esquisse d'un sourire ou d'une moquerie. Sa main abattit la cravache sur le col de son chameau, le relançant vers la tête de la caravane. Dans l'air tout vibrant de vacarme, Muhammad crut entendre le cri du vieux :
    — Que le jugement de la déesse Al'lat s'accomplisse, Ibn `Abdallâh ! Qu'elle te protège ou te châtie !
    Les pillards étaient désormais assez proches pour qu'on pût les compter. Plus d'une trentaine. Peut-être le double des hommes de Yâkût. Et parmi eux une bonne dizaine de cavaliers. En avant des méharis, leurs chevaux galopaient sur le sol dur. Leurs sabots soulevaient des gerbes de sable couleur fauve.
    Yâkût al Makhr mettait en ordre sa ligne de combat. Les nimcha , les sabres du désert, brillaient dans le soleil couchant.
    La manœuvre des pillards, chacun la connaissait. Au dernier moment, le groupe des cavaliers se diviserait. Les uns à gauche, les autres à droite, ils fileraient comme le vent pour contourner la ligne de Yâkût. Ils fondraient sur elle afin de l'attaquer à revers alors que le gros des pillards monterait au combat de front. Les hommes de Yâkût allaient devoir se séparer eux aussi, se scinder en trois groupes de combat, chacun en trop petit nombre. Une bataille inégale dont l'issue semblait connue d'avance.
    Peut-être pas.
    Et si les démons du désert avaient envie d'accorder une chance à Muhammad ibn `Abdallâh ?
    À l'arrière de la caravane qui s'éloignait sous la garde d'Abu Nurbel, le fidèle Bilâl accomplissait son devoir.
    Cet esclave d'Éthiopie, sans âge et noir comme la nuit, sérieux comme un prêtre d'Al'lat, possédait une voix capable de renverser les murs. Il veillait jalousement sur le neveu de son maître Abu Talib. C'était sa mission durant ce voyage. Il la remplissait avec ferveur. Depuis longtemps, sans que nul ne comprît pourquoi, il adorait celui qu'il appelait « Petit Maître Muhammad ».
    Se démenant à l'arrière de la caravane, Bilâl en séparait un troupeau de vieilles chamelles. Des bêtes qui certainement avaient enduré plus d'une razzia, laides, les flancs lustrés par les sangles et des charges portées depuis trop d'années. Fixées à leurs sous-ventrières, de longues bandes de cuir, teintées du même rouge que la poussière du reg, les reliaient par cordées de six, les empêchant de s'écarter les unes des autres de plus d'une trentaine de pas.
    Muhammad rejoignit Bilâl au galop. Ils étaient prêts. Depuis le départ de Mekka, le soir devant les tentes, ils avaient tant de fois répété la manœuvre, comme on se raconte un conte. Imaginant l'assaut des pilleurs, leur fureur en découvrant la ruse. Priant pour qu'Al'lat leur donne l'occasion d'éprouver leur idée et redoutant plus encore son verdict.
    L'heure était venue. La déesse du désert avait décidé. On
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