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Khadija

Khadija

Titel: Khadija
Autoren: Marek Halter
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il est vrai. Mais parfois aussi plus savants en caprices et mensonges. Ce qu'il fallait endurer.
    Bien que, en ce qui le concernait, lui, Muhammad, Abu Nurbel ne déformât pas la vérité. Il était un homme sans héritage ni richesse, soumis à la volonté des uns et des autres, de son clan, de ses oncles. Il n'avait, comme on disait, que son nom pour lui-même : Muhammad ibn `Abdallâh.
    Au cours de ses deux précédents voyages au pays de Sham, il n'avait eu d'autre tâche que l'entretien des bêtes et la surveillance des chargements. Aujourd'hui encore il ne possédait pas même le méhari qui se dandinait entre ses jambes. La selle sous ses fesses n'était qu'un prêt de son oncle et père adoptif, Abu Talib.
    Pourtant, ce voyage promettait d'être différent des précédents. Cette fois, il montait au pays de Sham en véritable marchand. En égal d'Al Sa'ib et d'Abu Nurbel, que ça leur plaise ou non. Ce serait à lui d'acheter sur les riches marchés du royaume de Ghassan. Pas pour son compte, bien sûr. Pour celui de la plus riche des veuves de Mekka : Khadija bint Khowaylid. Une femme assez puissante pour que chacun, à Mekka, la respecte autant qu'un homme.
    « Qu'Hobal te protège. Reviens avec ton premier bien, et tu seras un homme heureux... », avait dit l'oncle Abu Talib en guise d'au revoir. Pour lui porter chance et sauvegarde, il lui avait offert une amulette de cornaline du dieu de Mekka.
    — Tu te moques du goût de mes galettes, n'est-ce pas, Ibn `Abdallâh ? s'amusa Abu Nurbel, comme s'il avait lu ses pensées. Tu te moques que mes vieux os se tassent et cliquettent sur le dos de ce chameau depuis trop d'heures. Tu es jeune, et la jeunesse est impatiente. Et toi, Ibn `Abdallâh, tu l'es plus que tous, on croirait. Impatient de devenir riche. Impatient d'être un homme parmi les hommes. Je sens ça.
    Le vieux marchand détacha sa gourde du pommeau de sa selle. Il la tendit à Muhammad.
    — Va chercher de l'eau auprès des femmes. Si on doit marcher plusieurs heures, je vais avoir soif.
    Il accompagna sa demande d'un clin d'œil narquois. Bien sûr, le vieux savait pour Lâhla. C'était ça, aussi, les vieux : toujours à se débrouiller pour tout savoir. Il s'amusait, oui, mais sur sa face fripée on lisait autant de respect que de provocation. Un fouillis de rides qui suggérait : « Va, montre-nous ce que tu sais faire, puisque tu y tiens tant. »
    Une pensée si forte que les démons du désert l'entendirent. Il y eut un hurlement derrière eux. Des cris aigus de femmes. Muhammad pivota sur sa selle. Là-bas en arrière, sous les dais des palanquins, des bras s'agitaient. Épouses, servantes, esclaves, toutes hurlaient en même temps :
    —  Gazwa ! Gazwa ! Al razzia ! Al razzia !
    Sous le feu du soleil bas montait une colonne de poussière. Étroite et comme déjà sanglante. Ceux qui soulevaient cette nuée étaient trop loin pour que l'on puisse en discerner le nombre. Ce ne pouvait être qu'une grosse troupe. Vingt ou trente hommes. Guère plus, mais suffisamment pour conduire une razzia. Et maintenant qu'ils s'étaient rendus visibles, ils n'arrêteraient plus avant le combat.

Une étrange visite
    Après avoir enfilé la tunique merveilleuse, Khadija frissonna des pieds à la tête. Au plus faible mouvement, le tissu devenait caresse sur sa peau nue.
    Elle s'avança sur la terrasse. La soie ne pesait pas plus que l'air du soir. Les plis se mouvaient sur ses hanches et ses cuisses telle une eau vive. Elle paraissait s'écouler des épaules pour se dissoudre à hauteur de la taille. Seul le plastron frappait à chaque pas contre sa poitrine et, étrangement, faisait songer à une main qui vous repousse.
    Khadija s'approcha du parapet surplombant le jardin intérieur, tapi à l'abri des hauts murs entourant la demeure. Le soleil n'était plus qu'une immense boule rouge posée sur les crêtes montagneuses dominant le petit bourg de Ta'if, à quelques journées de marche de Mekka. Déjà, la nuit tombait sur l'immensité terne des vallées qui allaient se perdre dans le désert. Ici, à mi-pente des montagnes, sur un plateau doucement plissé de collines, moutonnait encore le vert des pâtures et des vergers bruissants du murmure des oueds et du pépiement des oiseaux énervés par l'approche de l'obscurité.
    Plus tard, Khadija confierait qu'à cet instant lui était venue une pensée étrange, effrayante. Plus qu'un pressentiment. Une sorte de vision. C'eût été trop
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