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Khadija

Khadija

Titel: Khadija
Autoren: Marek Halter
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envoyer Abdonaï.
    — Il est trop vieux pour monter tous les jours à la grotte.
    — Moi, je peux.
    Les larmes perlaient aux yeux de Fatima autant qu'y brûlait le défi. D'un mouvement vif, elle glissa son bras droit dans son dos et fit jaillir la lame d'une dague.
    — Fatima !
    — Abdonaï m'a confectionné l'étui. Et il m'a aussi appris comment frapper. Comme ça !
    D'un geste furieux, la fillette trancha l'air devant elle de bas en haut. La dague était presque aussi longue que son avant-bras. Mais elle aurait pu trancher autre chose que du vide.
    — Si ton esclave Zayd peut suivre mon père en faisant croire qu'il est son fils, moi aussi je peux suivre mon père.
    — Zayd n'est plus un esclave. Ton père le prend pour fils selon la loi de Mekka.
    Fatima fit siffler sa lame une nouvelle fois.
    — Moi, je suis son fils de cœur. Il l'a dit. Et je sais qu'il a besoin de moi.
    Khadija fut sur le point de protester, mais se tut. Pourquoi Fatima n'aurait-elle pas raison ?
    Si l'âge n'avait pas fait d'elle une vieille femme, n'irait-elle pas veiller sur la paix de son époux à la place de Zayd ?
    Elle dit :
    — Il faudra te lever tôt et être patiente tout au long du jour. Peut-être que Zayd pourra t'aider à passer le temps.
    C'est ainsi que, de ce jour, ceux de Mekka qui observaient les allers et retours quotidiens de Muhammad le virent toujours suivis de ces deux-là, Fatima et Zayd, qui s'appelaient « ses fils ».
     
    L'hiver arrivait à sa fin. Khadija comprit que la lutte dont avait parlé Waraqà commençait.
    Abu Talib entra dans la cour, le visage gris et les yeux vides. Avant de se mettre à l'ombre du tamaris, il déclara :
    — Ils m'ont ruiné. Abu Talib est fini !
    Khadija ordonna qu'on lui apporte de quoi boire avant de le questionner, mais il n'attendit pas.
    — Ma caravane, ma grande caravane du Sud ! Pillée ! Une razzia de fond en comble.
    — C'est beaucoup, mais il ne s'agit que d'une seule caravane, fit Khadija.
    — Non ! Tu ne comprends pas. J'y avais mis toute ma fortune. Cent vingt chameaux ! Et tous revenaient chargés jusqu'au moindre sac. Tous pillés ! C'est fini ! Ne me critique pas, saïda. Je sais ce que tu vas dire : Pourquoi une si grande caravane pour toi seul ? Tu connais la réponse. Ton époux ne se soucie plus de commerce, et moi, j'ai cru que je pouvais être fort sans toi.
    Abu Talib se tut, tête basse.
    — Tu n'es pas seul, répondit Khadija. Que tes chameaux soient partis avec ou sans les miens, tu n'es pas seul.
    Abu Talib ne parut pas l'entendre. Il se redressa, plein de colère.
    — Je sais d'où vient le coup : Abu Lahab ! Le sourire qu'il avait aujourd'hui à la mâla en me regardant ! Abu Sofyan est un serpent. Le scorpion sous la pierre, c'est Lahab, crois-moi. Prends garde. Ils ne font que commencer à piquer et à mordre. Ils ont compris que ton époux n'ira plus jamais s'asseoir à la mâla. Ils disent : « Ibn `Abdallâh est tombé amoureux de la montagne Hirâ. D'avoir remonté les murs de la Ka'bâ et de l'avoir recouverte d'un toit, c'était une trop lourde tâche pour lui. Maintenant, il lui faut se cacher dans une grotte, comme une chauve-souris. Grand bien lui fasse, puisqu'il a une épouse assez riche pour l'entretenir à n'être plus rien. » Je te le dis, saïda : ils se réjouissent de voir l'oncle de Muhammad ibn `Abdallâh dans la poussière. Et s'ils peuvent t'y pousser aussi, leur bonheur sera plus grand encore !
     
    Ce soir-là, Khadija attendit que Muhammad termine ses ablutions, qu'il parle avec ses filles, qu'il murmure les paroles que Djibril lui avait apprises et qu'enfin ils soient allongés en paix côte à côte sur la couche pour lui répéter les propos d'Abu Talib.
    Muhammad resta longtemps silencieux. Finalement, il dit, la voix légère :
    — Demain, la chauve-souris sortira de sa grotte. Elle ira dire ce qu'il lui faut dire devant la Ka'bâ à ceux qui auront des oreilles pour l'entendre.
    Khadija souffla doucement :
    — Muhammad...
    Sans plus. C'était inutile. Son époux savait à quoi elle songeait. Il lui serra la main un peu plus fort et ajouta avec beaucoup de calme :
    — Il faut bien que cela commence.

La fin de Khadija
    Ce fut étrange.
    À ces mots, Khadija sentit un long frisson la parcourir, comme si un courant d'air frais l'enveloppait plus étroitement que sa tunique. Les paroles de Waraqà lors de la nuit de ramadan lui revinrent. Il avait dit à
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