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Khadija

Khadija

Titel: Khadija
Autoren: Marek Halter
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Ka'bâ en insultant Abu Sofyan, et maintenant il renverse Hobal et Al'lat, ainsi que les fous du Nord ? Pour qui se prend-il ? » Abu Lahad est mauvais. Il nous déteste. Abu Sofyan et lui marchent main dans la main. Si ton époux ne réagit pas, leurs deux mains seront bientôt plus fortes que les nôtres.
    Les paroles d'Abu Talib ne surprirent pas Khadija. Il lui semblait même qu'elle les attendait depuis longtemps. Depuis que Muhammad avait replacé la Pierre Noire à l'angle de la Ka'bâ et ordonné qu'on y érige un toit.
    Faisant fi de son exaspération, elle se contenta de lui demander :
    — Penses-tu que ce soit vrai ? Que mon époux est devenu un fidèle de Christus ou du dieu des Yudah ?
    — Ne me pose pas cette question. Interroge ton esclave Zayd et ton cousin Waraqà. Ils sauront te répondre.
    — Alors, à toi je demande : si mon époux était de ceux-là et allait contre les dieux de Mekka, le soutiendrais-tu ?
    Le visage d'oiseau d'Abu Talib se plissa. Son regard rusé examina Khadija.
    — Je sais ce que je te dois, saïda bint Khowaylid. Je sais aussi la faute que j'ai commise en fuyant Mekka devant la maladie. À mon âge, commettre une grande faute suffit. Il ne me reste plus assez de temps pour m'en faire pardonner une seconde.
    Abu Talib sourit. Il semblait très heureux des mots qu'il prononçait.
    — Là où tu iras pour soutenir ton époux mon neveu, j'irai. Qu'Al'lat m'entende si je mens, ajouta-t-il avec un petit rire. Elle a toujours son autel dans ma cour.
    Khadija acquiesça. Mais, au lieu du sourire qu'elle voulait lui adresser en retour, elle serra les lèvres sur un cri de douleur. Abu Talib ouvrit de grands yeux.
    — Saïda ! Saïda, ai-je dit quelque chose qui t'a contrariée ?
    Khadija secoua la tête, respira à petits coups pour reprendre son souffle.
    — Non, chuchota-t-elle, à peine audible.
    — Tu es malade ? Tu souffres ! s'exclama Abu Talib en pâlissant.
    — Non...
    — Je te vois, tu trembles...
    — Tu ne vois rien, affirma Khadija d'un ton plus ferme. C'est la douleur de penser à mon fils Al Qasim qui me saisit de temps à autre.
    Abu Talib, qui ne la quittait pas des yeux, voyait la sueur sur son front, le sang battre vite à son cou. Il se tut, attendit qu'elle retrouve son aplomb.
    — Tu ne vois rien, répéta-t-elle. Et ne dis rien, à personne, de ce que tu n'as pas vu.
    Abu Talib prit encore le temps de l'observer. Pour la première fois, Khadija lut dans ses yeux une douce et grande tristesse. Elle baissa les paupières avec gêne.
    — Nos entrepôts sont pleins. Qui va vendre pour toi, si ton époux ne se montre pas ? reprit l'oncle Abu Talib.
    — Moi.
    — Toi ?
    La voix de Khadija retrouvait de l'assurance.
    — As-tu la mémoire si courte ? As-tu oublié qu'il y a quelques années la saïda bint Khowaylid vendait trois fois ce que tu vendais ?
    Abu Talib se dressa et leva la main vers le ciel.
    — Mieux vaut que tu ne tardes pas.
     
    Tous furent étonnés de voir Khadija arriver aux entrepôts sur sa mule blanche, accompagnée de Zayd et d'Abdonaï. Les murmures s'envolèrent sans attendre vers les maisons de Mekka. Mais au zénith, quand cessa le commerce du jour, chacun avait réappris combien la saïda bint Khowaylid était plus inflexible en affaire que son époux Ibn `Abdallâh.
    Peut-être Muhammad l'apprit-il aussi, d'une manière ou d'une autre. Ce soir-là, après avoir joué avec ses filles, il s'approcha de son épouse et lui baisa les mains.
    Pas plus que la veille, elle n'ouvrit la bouche pour le questionner. Toutefois, quand il se releva, elle fut contre lui et l'enlaça, mordant son manteau à hauteur de l'épaule comme elle l'avait fait, bien des lunes plus tôt, le jour de la mort d'Al Qasim.
    Muhammad comprit. Il posa sa paume contre sa nuque, la serrant tout entière contre lui pendant un instant.
    Au lever du jour, quand il s'approcha de la cuisine afin de dénicher un peu de nourriture pour sa journée, il trouva un petit sac de cuir déjà prêt avec tout ce qu'il cherchait.
    Il se retourna en souriant vers la chambre de son épouse. Ils n'eurent pas besoin d'un signe pour se saluer.

Les grottes de Hîra
    Cela dura une lune. Au coucher du soleil, Muhammad poussait la porte bleue de la cour. Il prenait des nouvelles de ses filles, écoutait un peu le bavardage des aînées et gardait dans la sienne, aussi longtemps qu'elle le voulait, la main de Fatima. Tous les deux ne jouaient plus aux
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