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Khadija

Khadija

Titel: Khadija
Autoren: Marek Halter
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encerclait plusieurs bâtisses basses, celles des serviteurs, le jardin et les enclos du petit bétail. Au centre, haute de trois étages et reposant sur d'épaisses fondations de pierre, dominait la maison même de Khadija bint Khowaylid. D'une hauteur sans égale à Ta'if. Une unique porte en bois de cèdre peint de bleu, énorme, assez large pour le passage d'un char, y donnait accès. Aux étages, de nombreuses fenêtres perçaient les murs. Au sommet, surplombant la vallée, les lueurs de torches formaient de grands halos dans la nuit, dessinant les murs de la terrasse.
    Le battant droit de la porte d'entrée était troué d'un huis de la taille d'un homme. Il était ouvert. Deux serviteurs l'encadraient en levant leurs torches. Sans un mot, Abdonaï s'y dirigea, suivi d'Abu Sofyan.
    Obéissant aux instructions données plus tôt, les hommes de Khadija s'interposèrent quand l'escorte d'Abu Sofyan voulut emboîter le pas à son maître. Un homme protesta. Abdonaï se contenta de dévisager l'invité de sa maîtresse en haussant les sourcils. D'un geste bref, aussi désinvolte que s'il chassait un tourbillon de mouches, Abu Sofyan ordonna à ses serviteurs de céder. Point n'était besoin qu'un esclave perse affranchi lui rappelle les lois de la bienséance : jamais un homme du Hedjaz n'allait partager le repas d'une veuve avec une escorte.
     
    Khadija saisit la main de la jeune Ashemou et l'entraîna dans un couloir ténébreux. Derrière elles résonnaient les pas de Barrira, lourds de sa mauvaise humeur. Ce vestibule longeait la grande salle occupant le rez-de-chaussée de la maison, seule pièce où les étrangers étaient autorisés à pénétrer. Sur le côté gauche du couloir, presque en son milieu, le mur était entaillé par une étroite ouverture. Un délicat tressage en bois d'amandier y était encastré, permettant d'observer la salle sans être vu. Le centre de la pièce de réception était éclairé par une demi-douzaine de lampes à huile, les murs restant dans la pénombre. Tapis et coussins recouvraient le sol comme dans une tente. Khadija avait également réclamé qu'on y disposât, face à face, deux sièges bas de bois et de cuir. Entre eux, de la taille d'un enfant, patientait « la chose lourde et haute enveloppée dans un tapis de Saba », pour reprendre les mots d'Abdonaï : le présent d'Abu Sofyan al Çakhr.
    La pièce était encore vide. Bientôt on entendit le grincement de l'huis. Abdonaï apparut, Abu Sofyan dans son sillage. Brillants sous l'effet des lampes, les yeux du puissant Al Çakhr fouillaient l'obscurité. À peine les deux hommes furent-ils au centre de la salle que des servantes approchèrent. L'une portait une aiguière de cuivre emplie d'eau parfumée, l'autre un linge blanc, une troisième tenait un plat de terre garni de boulettes de viande de chèvre aux herbes roulées dans des feuilles d'oseille. Enfin une dernière jeune fille déposa sur les tapis un épais plateau de bois chargé de gobelets d'argent et d'un pot de lait fermenté aromatisé de tranches de zenj , le gingembre.
    Désignant de son unique main les servantes, les coussins et les sièges, Abdonaï proposa :
    — Seigneur Abu Sofyan, prends tes aises, ma maîtresse t'en prie. Elle sera là dans un instant.
    Sans attendre de réponse, il salua et disparut dans la pénombre.
    Derrière le moucharabieh, ne perdant rien de ce qui se passait dans la pièce, Khadija sourit. Cette mise en scène, convenue avec Abdonaï, se déroulait selon son goût. Si Abu Sofyan s'en étonnait, il prenait soin de n'en rien montrer.
    Négligeant les servantes, il s'approcha du présent qu'il avait fait apporter. Hésitant, il palpa le tapis qui le dissimulait. Ses doigts serrèrent la cordelette de cuir qui le retenait comme s'il voulait la dénouer. Changeant d'avis brusquement, il se redressa pour faire face aux servantes.
    Avec soin, il choisit une boulette de viande sur le plat qu'on lui présentait. Il eut un murmure inaudible pour celles qui le guettaient derrière le moucharabieh. Elles virent l'esclave baisser les yeux et incliner la nuque.
    Alors qu'il croquait dans la viande, le blanc de ses dents étincela. Barrira soupira :
    — Quel bel homme, Khadjiî...
    Khadija la fit taire d'un geste. Abu Sofyan inspectait à nouveau les ombres autour de lui. Ses yeux glissèrent sur le moucharabieh sans rien y deviner de suspect. Il réclama un gobelet de lait fermenté. Cette fois, sa main s'attarda sur le bras
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