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Khadija

Khadija

Titel: Khadija
Autoren: Marek Halter
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qui lui présentait le gobelet et chercha à remonter sous la manche de la tunique. D'une torsion du buste, qu'elle évita de rendre trop violente, la servante s'écarta. Le rire d'Abu Sofyan résonna dans la salle.
    Khadija approcha sa bouche de l'oreille d'Ashemou.
    — Cet homme ressemble-t-il aux puissants de ton pays ? souffla-t-elle.
    Ashemou acquiesça d'un signe de tête.
    Abu Sofyan maintenant réclamait l'aiguière pour se laver les mains. Il saisit le linge pour s'essuyer la bouche, puis le jeta au pied de l'esclave. Quand elle s'inclina pour le ramasser, les doigts d'Abu Sofyan glissèrent sur ses reins et ses fesses. Jusque dans le couloir, derrière le moucharabieh, on entendit de nouveau le rire du puissant Al Çakhr.
    — Oui, renchérit Khadija. D'un bout à l'autre du grand désert, ils se ressemblent tous.
    Elle poussa Ashemou devant elle.
    — Viens avec moi. Quoi que ce puissant te dise, reste silencieuse.
    Dans leur dos, Barrira, anxieuse, marmonna :
    — Khadjiî, ne fais pas de bêtises !

La bataille
    La déesse choisit.
    Les cavaliers prirent au plus large, dessinant une longue courbe. Lorsqu'ils furent proches à se toucher, ils ralentirent. Les fins chevaux passèrent du galop au trot, puis au pas. Nerveux, dansant, la croupe fébrile. Les nimcha pointées vers le ciel, les cavaliers hurlèrent des insultes, vomirent des ignominies. Les unes et les autres se perdirent dans la poussière et le vacarme qui montaient de partout, le désert n'étant plus que tumulte. On aurait pu croire que les ennemis hésitaient. Qu'ils redoutaient le combat. Mais ce n'était que le spectacle de leur vanité et d'une ruse éculée pour humilier les guerriers de Yâkût. Leur faire bouillir le sang et perdre la raison.
    Et les attirer dans une charge fatale.
    Ce fut leur grande erreur. Leurs tergiversations donnèrent à Muhammad le temps de placer, toute étirée, molle et lente, sa cordée de chamelles au travers de leur trajectoire. On pouvait penser qu'il voulait les défier, les provoquer avec ces dérisoires bestiaux. Les pilleurs le crurent. Ils s'esclaffèrent. Nouveaux cris, rires et gueulements de moquerie. Tout un ciel d'insultes.
    Un instant, Muhammad craignit que les hommes de Yâkût cèdent à la provocation, qu'ils se précipitent stupidement dans l'espace entre les chamelles.
    Al'lat veillait. Ils n'en eurent pas le temps. Les pillards cravachèrent leurs chevaux. Babines retroussées, gueules béantes, les pur-sang bondirent. Fracas de sabots et flammes d'acier déchirèrent l'air. Une poignée de terribles secondes.
    Muhammad abandonna la bride des chamelles. Indifférentes aux braillements humains, celles-ci s'immobilisèrent, le cou tendu, ne comprenant plus ce qu'on exigeait d'elles.
    Tenaillé par la peur, Muhammad poussa brutalement son méhari à l'écart de la trajectoire des chevaux. Repris par l'orgueil, les reins brûlants, les doigts serrés sur sa dague, il le fit volter aussitôt, la poitrine vibrante du vacarme de l'assaut. Il eut juste le temps de se rendre compte que la disposition des chamelles était parfaite.
    Aveuglés par leur arrogance, saisis d'une folie de Bédouins, les pilleurs galopaient droit sur l'espace libre entre les six vieilles chamelles. S'enivrant déjà de la faiblesse de ceux qu'ils allaient abattre. La joie du combat leur brûlant la gorge.
    Ils ne découvrirent les lanières reliant les chamelles que trop tard. Ou ne les virent pas du tout. Les antérieurs des chevaux y butèrent. Le cuir se tendit. Entraîna les lourdes chamelles comme des sacs de pierre. Les culbuta.
    Le cuir trancha les jarrets, les épaules. Coupa les muscles fins gorgés de sang. Les chevaux poussèrent des hennissements venus de l'enfer. La gorge tendue, les yeux exorbités, ils basculèrent. Dans un chaos de pattes et de ruades, ils désarçonnèrent leurs cavaliers qui tombèrent dans ce magma de fureur et de sang. Poitrails déchirés, têtes et membres broyés roulèrent sur la caillasse du reg dans un gueulement assourdissant d'hommes et de bêtes.
    Fasciné, retenant à grand-peine son méhari terrorisé, Muhammad ne pouvait détacher le regard du massacre qu'il avait déclenché. À grands coups de lame, un pillard se dégagea des entrailles de son cheval qui venait de l'écraser à demi. Le sang lui couvrait le visage. Des morceaux de viscères adhéraient au baudrier barrant sa poitrine. Il manqua de s'effondrer en se redressant. Sans doute avait-il une jambe
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