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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur
Autoren: Michel Zévaco
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affolé, les pensées en déroute, s’avança lentement. Charles VI se leva…
    Avait-il compris, lui ?… Qui sait ?… Peut-être !
    Mais nul ne put jamais savoir si, en cette effrayante minute, le fou fut vraiment sage, ou si, simplement, il ne continua pas son rêve de fou…
    Il se leva, et, un instant, par-dessus son épaule, jeta un sourire à deux êtres bizarres qui, par un caprice de démence, avaient pris place en arrière du trône :
    Jacquemin Gringonneur et Brancaillon !…
    L’un grelottant, tremblant sur ses jambes, invoquant Jupiter et les saints, sublime de courage en sa poltronnerie, car il s’attendait à périr ; l’autre, gigantesque, impassible et grognant :
    – Sire, jamais, dans ma vie, je n’eus une telle soif. N’ayez pas peur, sire. Je suis là. À moi seul, je les étriperai s’ils bougent. Mais, seigneur, quelle soif !…
    Et alors, dans cette seconde d’intense angoisse où se jouaient la vie de tant d’hommes, la vie d’une monarchie, le sort d’un royaume, la destinée d’un peuple, qui, dans cette seconde, on l’entendit qui disait dans le silence de mort :
    – Tu boiras, mon brave révérend ermite, tu boiras, va !… Vin ou sang, tu auras à boire !
    Et se tournant vers Jean sans Peur, le visage tout joyeux :
    – Ainsi, mon digne cousin, ce truand que vous m’apportez a causé une émotion dans notre bonne ville, et vous l’avez saisi pour me l’apporter au péril de votre vie ?…
    Le silence, disons-nous, était énorme : un de ces silences épouvantables qui s’abattent sur une foule et semblent peser sur les épaules comme si vraiment l’air chargé d’angoisse se faisait inexprimablement lourd. Jean sans Peur répondit :
    – Oui, sire…
    Passavant, très calme, tout droit, son sourire sceptique au coin des lèvres, ne bougea pas.
    – Et cet homme, reprit Charles, c’est le meurtrier ?
    – Le meurtrier de votre bien-aimé frère d’Orléans, oui, sire ! dit Jean sans Peur.
    Le roi hocha la tête. Brancaillon jura sourdement. Gringonneur éternua de terreur. Tanneguy du Chatel se secoua furieusement au milieu des gardes. Jean sans Peur essaya de raffermir sa voix, et grelotta :
    – Le meurtrier !…
    Le silence devint lourd, l’angoisse palpita sur cette assemblée. Une voix prononça des mots… une voix d’une étrange solennité, une voix glaciale, terrible de calme. Elle disait :
    – Jean de Bourgogne, vous mentez !…
    Et Jean sans Peur éprouva une effroyable secousse qui acheva de détraquer son cerveau. On le vit se tourner lentement vers cette voix qui venait de proférer une telle insulte contre un tel personnage, on le vit esquisser un geste de lassitude, le geste d’un homme qui se trouve sous la poigne de la fatalité, on le vit essayer de reculer, et ceux qui étaient près de lui l’entendirent murmurer : « Le spectre !… »
    Tous les regards se tournèrent sur Laurence.
    Elle, s’avançait, et, sur son passage, on se reculait d’instinct pour lui faire place.
    – Qui est cette femme ? demanda le roi.
    – Sire, dit Passavant, d’une voix qui résonna en d’étranges vibrations, sire, cette femme, c’est la justice qui vient. Taisez-vous, sire, laissez parler la justice !
    Et l’instant était si angoissant, si hors de toutes choses attendues, que nul, pas mêmes Charles VI, ne songea à s’étonner de l’audace du condamné parlant ainsi au roi de France.
    Jean sans Peur reculait. Il se heurta à la cuirasse d’un de ses vassaux, tressaillit, frissonna, et attendit la venue du spectre, l’œil éteint maintenant, les cheveux hérissés, l’esprit sans pensée ou ne roulant que des pensées de cauchemar. Dans ce cerveau s’érigeait la folie…
    Laurence d’Ambrun s’arrêta près de Jean sans Peur et dit :
    – Jean de Bourgogne, vous savez qui est le meurtrier du duc d’Orléans. Dénoncez-le…
    Jean sans Peur jeta autour de lui ce regard vide et morne des gens qui ne peuvent plus échapper à l’étreinte d’un malheur, et il bégaya :
    – C’est Passavant…
    Laurence tira de son sein un parchemin qu’elle déplia. Elle reprit :
    – Jean de Bourgogne, vous mentez. Il faut ici dire le nom du meurtrier. Dites-le !…
    – Non ! gronda le duc. Spectre, je te conjure de te retirer !…
    – Le nom du meurtrier ! répéta Laurence.
    – Je ne veux pas ! râla Jean sans Peur qu’on vit se débattre comme si vraiment une invisible main l’eût saisi à la
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