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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur
Autoren: Michel Zévaco
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Armagnac, d’une voix de tonnerre qui gronda dans les tumultes croisés, lança un ordre :
    – En avant ! Au trot ! En avant !…
    La masse entière s’ébranla au trot, les chevaux hennirent, un effroyable rugissement monta de la rue, fait d’insultes, de gémissement, de cris féroces ; pesant et lourd, pareil à une immense machine aux engrenages d’acier, l’escadron, de son trot irrésistible, marcha en avant, broya l’obstacle de chair humaine, s’enfonça comme un coin dans le vaste hurlement de mort, et passa sur des monceaux de blessés, laissant l’Hôtel Saint-Pol sur sa droite, piquant droit sur la porte Saint-Antoine, droit sur une masse de cavalerie, sur une machine semblable à lui, sur deux mille Bourguignons qui venaient de déboucher et, de leur côté, fonçaient sur les Armagnacs en vociférant :
    – Vive Jean, roi de France, et la Bourgogne !…
    – Vive le roi !…
    – Bourgogne ! Bourgogne !…
    Entre la machine aux écharpes blanches et la machine aux croix rouges de Saint-André, se produisit la collision, dans un fracas de tonnerre ; il y eut un vaste choc de cuirasses, un retentissement de choses d’acier se heurtant en masse, puis un éparpillement de bruits sonores, lances brisées, épées qui se frappaient, puis un râle énorme d’angoisse formé du râle et de l’angoisse des milliers de poitrines, et les deux machines dévastatrices entrées l’une dans l’autre, indémêlables, se confondirent dans l’inexprimable étreinte des gestes furieux, dans le conflit des cris, des jurons, des malédictions, des plaintes rauques, des insultes sauvages… « Meurs, ruffians !… À toi, fils de chienne !… Traître, à ton roi !… Vive le roi !… France, France !… Bourgogne, Bourgogne !… Crève, truand !… Ton cœur aux pourceaux !… » Et les râles des mourants, les clameurs des blessés, l’horreur, l’épouvante, la haine hurlaient chacune leur hurlement ; des statues d’acier abattues roulaient l’une sur l’autre, sanglantes, cherchaient encore à s’assommer, à s’égorger, à s’étouffer ; le sang coulait par petits ruissellements, des flaques rouges se formaient, des chevaux éventrés frappaient le vide de leurs sabots et tâchaient de redresser pesamment leurs têtes aux yeux hagards, et il n’y eut plus sur la chaussée que des corps à corps furieux de blessés cherchant à s’achever l’un l’autre, dans l’air que des bondissements de chevaux qui reculaient et se ruaient dans leur élan, un fabuleux enchevêtrement d’éclairs d’acier, et sur tout cela, la morne clameur venue des lointains de Paris, couverte par le mugissement des cloches.
    Plus de vingt seigneurs Armagnacs gisaient les bras en croix, immobiles, raides dans leurs vêtements d’acier ; presque tous les valets d’armes étaient tombés ; il restait environ quarante hommes, ducs, comtes, hauts barons, massés autour de la litière de la duchesse Valentine, éclaboussée de sang, la tête effroyable, frappant encore à coups redoublés et s’avançant d’une lente poussée vers la porte.
    Les Bourguignons rugissaient leur joie et leur triomphe.
    Le comte d’Armagnac vociférait : « En avant ! En avant ! Vers la porte !… » Et devant lui, Jean sans Peur, tête nue lui aussi, ayant déjà changé deux fois de cheval, Jean sans Peur, terrible, les yeux hors des orbites, les cheveux hérissés les narines aspirant le carnage, Jean sans Peur tonnait : « Tuez ! Tuez, Qu’il n’en reste pas un ! Tuez ! Hardi mes braves ! Hardi ! Hardi !… »
    Les derniers Armagnacs étaient perdus. Enveloppés de toutes parts, ils allaient être écrasés contre la gigantesque porte fermée. Ils jetaient au vent leurs malédictions. Et Jean sans Peur rugissait : « Tuez ! Tuez ! Hardi !… »
    – Hardi ! Passavant le Hardi ! tonna une clameur ! Passavant ! Passavant !…
    – Hardi pour la dame d’Orléans !… Passavant ! Passavant !…
    – Les Écorcheurs, vociférèrent les Bourguignons.
    C’étaient les Écorcheurs ! Polifer était là, à la tête de sa bande et conduit par le chevalier de Passavant. Tanneguy du Chatel était là. Ils étaient partis de la place de Grève pour marcher sur l’Hôtel Saint-Pol. Là devait se trouver Roselys. « Si j’ai une chance de la retrouver, pensait Passavant, c’est à l’Hôtel Saint-Pol ! » – « Vous voulez vous faire tuer, lui disait froidement Polifer. Je vous
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