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Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est !
Autoren: Josef Schovanec
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autisme A, la « faute » ou l’interprétation du phénomène tiendra à une particularité de A, et non point à une décision blâmable de B, C et D. Une double peine, en somme, que nous rencontrerons à toutes les étapes ou presque.
    Mes parents, lucides et observateurs, avaient trouvé une parade redoutable : dire que j’étais étranger ou tchèque. Voilà qui expliquait tout lumineusement. Que je parle de manière incorrecte, rien de plus normal. Que je ne comprenne pas les consignes, voilà qui était fort naturel. Que je ne mange pas à la cantine de même, vu que j’étais habitué à un régime étrange, celui de ces contrées lointaines. Il y a quelques années, j’ai rencontré un monsieur ayant des origines suédoises, et qui m’avait spontanément raconté un récit fort similaire au mien, mais où les Tchèques étaient remplacés par les Suédois. Mes parents n’avaient visiblement pas été les seuls à y penser !

    Mes petits camarades, ou la grande récré
    Penser que les enfants se sentent bien avec leurs petits camarades d’école est l’une des croyances les mieux enracinées. Et l’une des plus funestes pour les enfants avec autisme. Ne dit-on pas aux enfants ne voulant pas aller à l’école qu’ils y reverront leurs « copains » ? Mes parents ne me le disaient pas, mais je pense que cela n’aurait pu que m’exaspérer. Que pouvait donc signifier ce terme « copain » ? Pourquoi l’utiliser quand la maîtresse de CM1 nous expliquait clairement qu’il ne fallait pas l’employer dans nos rédactions ? N’évoquons même pas le fait que les « copains » en question étaient plutôt, pour un enfant autiste, des petits monstres tabasseurs.
    Dans la lignée de cette croyance, le prolongement rêvé, le meilleur moment de la scolarité doit être la fameuse, la mythique grande récré. Le cauchemar. Une sonnerie stridente retentit. À peine a-t-elle cessé, ou plutôt à vrai dire bien avant cela, et les enfants se mettent à hurler, à courir, à se précipiter dehors à toute allure, assoiffés de leurs jeux. Je ne savais pas jouer au ballon, ou plutôt à leur jeu étrange, mélange non agréé de règles officielles et de pratiques ad hoc . De plus, il faut avoir un certain nombre d’aptitudes physiques : visualiser en trois dimensions la trajectoire du ballon, posséder une motricité fine, toutes choses problématiques chez moi, jusqu’à aujourd’hui. Mes parents disaient souvent à propos des objets que je ne parvenais pas à attraper que j’avais deux mains gauches. Les enfants sur le terrain de foot employaient des termes bien plus méchants. Le plus paralysant est peut-être la non-perception du sens. Quel était l’intérêt de ce jeu de foot ? Quel est l’intérêt de donner des coups dans une balle qui devient rapidement très sale, et de la pousser dans telle ou telle direction ? Ne répondez pas que le foot est « cool ». Le ballon est à température ambiante, il n’est pas plus froid ( cool au sens premier), donc votre argument n’est pas valable.
    Les enfants avec autisme ont souvent une démarche, un comportement général un peu étrange. Les autres remarquaient ainsi qu’en classe je ne réagissais pas de la même façon aux sollicitations de la maîtresse ou du prof. Très observateurs, ils se firent ainsi vite un jugement sur leur petit camarade. Instantanément, les enfants savent qui sera populaire ou aimé du groupe, et qui sera mis à l’écart. La société des adultes est similaire, seule son hypocrisie sociale est plus raffinée : au lieu de taper directement, on utilisera certaines phrases d’exclusion, certaines attitudes, pour un résultat à peu près analogue. Il était donc à peu près impensable pour les autres élèves que je participe à leurs jeux de groupe. Même en supposant qu’un jeu auquel je puisse participer fût mis en place, s’ils étaient habitués à ce que je sois exclu ils ne m’acceptaient qu’avec peine dans leur groupe.
    Mes parents s’en rendaient bien compte, quand je revenais sale, la
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