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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19
Autoren: Jules Michelet
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l'Encyclopédie (janvier 1759), cela ne suffisait pas. Le Parlement de Besançon fit pendre un commis qui osait lever l'octroi ordonné par le Roi. Le Parlement de Paris fit pendre un huissier qui blâmait son procès de Damiens. Actes violents, brusques, sauvages, et qui menaçaient plus haut.
    La moitié du Parlement de Besançon fut exilée; mais celui de Paris repoussa obstinément tout ce qu'il y avait de bon dans les projets de Silhouette: l'impôt proportionnellement levé sur tous. Désirable égalité, mais qui n'apparaissait ici que comme une lourde surcharge par-dessus les charges antérieures.
    Choiseul, battu en finances, battu sur terre et sur mer, peu ménagé du Parlement, arrivé en moins de dix mois, ce semble, au bout de son rouleau, avait à craindre le Dauphin qui avait prédit ce fruit des traités autrichiens. Le parti dévot l'accablait. Il imagina un moyen étrange, qu'on n'eût compris en nul pays du monde. Pour balancer la banqueroute, les revers de terre et de mer, distraire fortement le public, il lui donna le spectacle d'un tour très-inattendu. Lui, courtisande Voltaire, il régale les philosophes d'une volée de coups de bâton.
    D'abord Choiseul exécute le financier philosophe Silhouette. Il en rit lui-même. Il se joint gaiement à la meute des siffleurs et des moqueurs. Désormais le portrait d'une ombre est appelé silhouette . On s'en amuse partout, Versailles autant que Paris. Les habits à la silhouette n'ont ni poche ni gousset.
    Ceci n'est qu'un commencement. Très-secrètement Choiseul commande au lorrain Palissot une pièce qui plaira en haut lieu, qui fera rire le Dauphin, rire le Roi qui ne rit jamais. On y verra les amis de Choiseul, les gens de lettres les plus illustres de l'époque, grotesquement piloriés. On y verra d'Alembert, Diderot volant dans les poches, et Rousseau à quatre pattes «retournant à la nature,» et gravement broutant sa laitue. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE III.
L'ÉCLIPSE DE VOLTAIRE.
1759-1761.
    Un des grands moments de Voltaire , solennel et vraiment digne du roi du siècle de l'esprit , avait été justement ce triste retour d'Allemagne où, repoussé de tous côtés, pour ainsi dire, il perdit terre, n'ayant pas un seul point du globe où il fût en sûreté (1753-1754). Fuyant de Prusse, il fut rejeté de la France, de la Lorraine même. Il disparut, se tint obscur et si bien caché en Alsace, parfois dans une île du Rhin, qu'à Paris on le crut mort. La bonne madame Du Deffand le croit mort et n'en pleure pas (mars 1754). Pour comble, ses dangereux livres, autant de péchés de jeunesse, surgissaient indiscrètement, s'imprimaient partout, quoi qu'il fît. La Beaumelle héritait déjà, contrefaisait Louis XIV , avec des notes terribles. Malgré lui l' Essai sur les mœurs éclate, incomplet (deux volumes). Malgré lui, un faux Louis XV . Et, pour comble d'épouvante,par fragments perçait partout la satire choquante, obscène, où, non content d'insulter «le fainéant Charles VII,» il met nue d'un coup de griffe «la grisette» impertinente qui s'était si haut montée.
    Il eut une de ces peurs extrêmes, qui rendaient cet homme nerveux par moment bien ridicule. Le bon sens eût pu lui dire qu'un homme si aimé du public n'était pas en vrai péril. On pouvait le repousser, l'éloigner, mais le toucher? non. Dans cette panique, il fit une comédie inutile qui l'avilissait seulement: il communia, fit ses pâques.
    La première lueur lui vint de celui qu'il haïssait, de Frédéric. Sa charmante sœur, sous prétexte d'un voyage, vint à Colmar embrasser, courtiser le proscrit. Frédéric mit en opéras deux tragédies de Voltaire. Cela fit songer en Europe. On sentit qu'il n'était pas mort, qu'on devait encore compter avec celui qui restait l'ami du plus grand roi du monde. L'armée des encyclopédistes, Diderot et d'Alembert, ne perdaient nulle occasion de proclamer en lui leur glorieux général. Voltaire restait le roi des rois.
    On le sentit lorsqu'en mars 1755, il s'établit aux Délices, près de Genève, et presque en face à Lausanne, et que de ce lieu imposant (dans la vue sublime des Alpes) partit le grand coup d'archet dont frémit toute l'Europe, son Ode à la liberté , son remercîment à la libre Suisse où il avait pu respirer. Peu après, il acheva le livre qui reste son titre capital: l' Essai sur les mœurs des nations . Il ne fut jamais plus haut.
    Deux choses lui faisaient tort.
    Malgré sa bonté
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