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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19
Autoren: Jules Michelet
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de la langue émue, orageuse, déclamatoire, de l'amour, c'est la Nouvelle Héloïse , qui ne sera imprimée qu'en janvier 61, mais qui circule en manuscrit (lue, dévorée) de femme en femme, et qui va faire dans la vie, tout autant que dans les lettres, une profonde révolution.
    En face le triste Voltaire imprime l'ennuyeux Pierre le Grand !
    Le moment était excellent pour attaquer les philosophes.Leur armée était au point d'une manœuvre toujours périlleuse; elle tournait et changeait de front. De leurs rangs était partie la plus aigre dissonance. Voltaire, par trois fois, donna prise, et trois fois, contre lui, tonna l'âpre et violente voix de Rousseau. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE IV.
ROUSSEAU. — NOUVELLE HÉLOÏSE.
1754-1760.
    Rousseau nous apprend lui-même que l' Émile eut un succès fort lent, «de grands éloges particuliers, mais peu d'approbation publique.» Le Contrat social , imprimé en Hollande, extrêmement prohibé, repoussé à la frontière, entra tard, difficilement, fut lu par une rare élite.
    Le grand, l'immense succès, fut celui de l' Héloïse .
    C'est le plus grand succès, l'unique, qu'offre l'histoire littéraire. Rien de tel avant, rien après.
    Ce livre inspira une vive, une ardente curiosité. On s'en arrachait les volumes. On les louait, dit Brizard, à tout prix (douze sous par heure). Qui ne les trouvait pour le jour, les louait au moins pour la nuit.
    Ce ne fut pas chose de mode. Les mœurs en restèrent changées. Le mot d' amour , dit Walpole, avaitété pour ainsi dire rayé par le ridicule, biffé du dictionnaire. On n'osait se dire amoureux. Chacun, après l' Héloïse , s'en vante, et tout homme est Saint-Preux. L'impression ne passe pas. Cela dure trente ans, toujours. Jusqu'en plein 93, Julie règne. Les Girondins la trouvent dans madame Roland.
    Comment expliquer un effet et si vif, et si profond? C'est qu'avec tous ses défauts, c'est pourtant un livre sorti de l'amour et de la douleur. Malgré toute sa rhétorique, ses déclamations d'écolier, c'est ici le vrai Rousseau, comme dans la Lettre sur les spectacles , les Confessions , les Rêveries .
    Ses autres ouvrages sont œuvres artificielles, fort laborieusement arrangées.
    Le vrai Rousseau est né des femmes, né de madame de Warens. Il le dit nettement lui-même. Avant elle, il ne parlait pas, était noué et muet. Hors de sa présence, il n'avait aucune facilité. Devant elle, liberté parfaite, facilité d'élocution, langue abondante et chaleureuse.
    Séparé, et jeté au loin sur le dur pavé de Paris, il se grima en Romain, en citoyen, en sauvage. Il suivit Mably, Morelly, avec le talent, la force âpre, qu'il est si aisé de prendre. Et avec cela, noué . Il ne reconquit sa nature, ne fut de nouveau dénoué que par madame d'Houdetot. La grimace disparut, le Caton, le Génevois. Et dans la passion vraie reparut le Savoyard.
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    Tout le monde va voir les Charmettes; mais la grande impression fut bien plus à Annecy. Les Charmettes où Rousseau déjà est un homme, un maître de musique, lisant MM. de Port-Royal, faisant un peu d'astronomie, sont un lieu plus sérieux. La mollesse inexprimable qui nous fond toujours le cœur en lisant le second livre, le troisième, des Confessions , est propre à l'air doux, languissant, quelque peu fiévreux d'Annecy. Il y a là de la Maremme. Plus d'un a voulu y mourir (Eug. Sue).
    En 1865, par un beau mois de septembre, je me trouvai à Annecy, travaillant comme toujours. Mais vers les dix heures, la matinée était si douce, plus moyen de travailler. Nous allâmes nous asseoir au lac, sous un fort beau saule, vieux, qui rappelle que le jardin public était un marécage, en face de l'agréable et marécageux Albigny. Dans une brume légère qui gazait à demi l'horizon, nous regardions la petite île des cygnes, leurs plumes fugitives qui volaient, nageaient sur l'eau. Les coteaux simulaient un peu, tout autour, ceux de la Saône. À droite, le petit palais qui fut de saint François de Sales; derrière, la ville, les églises, les couvents, la Visitation (où rêva madame Guyon). Il y avait eu des orages, et quelques gouttes de pluie tombaient encore par moments. Un habitant d'Annecy, assis sur le même banc, nous expliqua que le lac s'infiltre assez loin sous la plaine. Il se verse lentement dans un affluent du Rhône. Jadis il était bien plus lent. Ses eaux paresseuses (tout au contraire de celles des lacs suisses, qui montent l'été)
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