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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19
Autoren: Jules Michelet
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facile, vaniteux et emporté, voulantse montrer redoutable, prouver qu'il n'était pas léger, comme on le redisait tant, il affectait une haine implacable pour le grand roi qui le comblait, lui écrivait, qui fit pour lui ses beaux vers, l'héroïque adieu de Rosbach. Voltaire, là, fut déplorable. Il fit sa cour à Versailles, aux ennemis de la pensée et de son propre parti, disant: «La chère Marie-Thérèse,» proposant contre Frédéric de renouveler les chariots faucheurs des Babyloniens. Idée bizarre, s'il en fut, que le ministre parut prendre au sérieux, exécutant pour Louis XV un joli modèle en petit, un joujou qu'on essaya.
    L'autre maladie de Voltaire, qui le vulgarisait fort, c'était madame Denis. Autant, au château de Cirey, près de sa mathématicienne, dans sa demi-solitude, il avait eu la vie noble, concentrée, tendue, haute,—autant avec celle-ci, il l'eut mondaine et lâchée. Fort riche alors, il menait le train d'un fermier général. De 1756 à 1768, sa maison fut une auberge. Il travaillait dans son coin tout le jour, hors du tapage; mais il ne haïssait pas cette vie folle de monde et de bruit.
    Il avait toujours eu l'imagination sensuelle. Il semble que sa flamme brillante, son inépuisable torrent d'étincelles, tînt fort à cette légère électricité du sexe, dont il abusait bien peu. Né si faible et ne mangeant pas, ne vivant guère que de café, il fut pourtant un peu satyre, d'esprit, de velléités. En le suivant patiemment, on voit que, jusqu'au dernier jour, il eut toujours quelque femme. On a noté parfaitement ce que fut pour lui sa nièce (Nicolardot). Sa mauvaisehumeur à Berlin vint surtout de ce qu'il ne put l'y mener. C'était une veuve d'à peu près quarante ans, qui n'était pas belle; elle louchait, elle était lourde, vulgaire et prétentieuse. Elle croyait faire des vers, fit et défit pendant trente ans une mauvaise pièce, Alceste . Elle ravissait Voltaire, comme actrice, par un jeu emphatique, ampoulé, pleureur. Il jouait grotesquement le bonhomme Lusignan; elle les Zaïres et les Chimènes, toujours les jeunes premières. Elle en avait le tendre cœur, brûlait de se remarier. Elle avait l'âme très-grande, elle eût dépensé sans compter. Voltaire ne lâcha pas la clef, la limita d'abord un peu, mais une fois établi en Suisse, il ouvrit largement la caisse. C'était chaque jour des tables de quarante, cinquante personnes, des décorations, des costumes somptueux venus de Paris. Dans ses lettres, on voit qu'alors il se figure jouir beaucoup. «Je suis si heureux, dit-il, que j'en ai honte.» Et il ajoute qu'il est heureux surtout par elle. Elle engraisse, elle est charmante. «Sans elle tout serait un désert.» (19 septembre 1755, 27 mai 1756.)
    Il signe le Suisse Voltaire. Il avait loué quatre maisons, ici et là, en des pays différents. Il ne pouvait, disait-il «tomber que sur ses quatre pattes.» Son indépendance était d'être un homme riche et mobile, pouvant vivre un peu partout. Sa nièce contribua à le faire seigneur de village, enraciné dans une terre, et sur la terre serve de France. C'est elle qui le refit Français.
    Il n'était pas, il est vrai, bien établi aux Délices près Genève. Il y branlait. Deux partis étaient dansla ville, la Genève de Calvin, et la Genève mondaine qui sans cesse allait voir Voltaire. Mais dans la mondaine elle-même, les pasteurs qui dominaient n'en étaient pas moins chrétiens, anti-encyclopédistes. Dans un pamphlet anonyme, défendant l'Encyclopédie, il confond dans la même attaque «les persécuteurs catholiques et les fourbes protestants.» Cela fut fort envenimé par une lettre de Rousseau, comme on le verra tout à l'heure.
    Il se croyait fort à Lausanne; car c'est là qu'il offrit asile à l'Encyclopédie persécutée (février 1758). Il donnait deux cent mille francs pour qu'on l'imprimât à Lausanne.
    Il comptait y demeurer, rester Suisse. Cela, dis-je, en février. Mais en mai tout est changé. La Pompadour le protége dans son plan d'acheter en France la seigneurie de Ferney ( Corr. , V, 157, mai 1758).
    Il eût acheté, s'il eût pu, en Lorraine, chez Stanislas. Madame Denis eût eu là une cour pour étaler ses grâces, refaire madame Du Châtelet. Et il y aurait trouvé une demi-indépendance. La Pompadour fit défendre à Stanislas de le recevoir. On le voulait en France même. Toute la cabale autrichienne, Vienne et Versailles, Kaunitz, Choiseul, la Pompadour, l'enveloppaient.
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