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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17
Autoren: Jules Michelet
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chaussait; et parfois un peu plus, quand il recevait le Conseil de Castille. Alors elle glissait à la reine des papiers, des mémoires, des lettres secrètes. La nourrice était l'unique intermédiaire qu'elle eût avec le monde. Il n'y avait pas à servir la reine en galanterie. Mais la nourrice la servait, la chauffait en son unique passion, ses plans d'établissements futurs, de royautés pour ses enfants.
    Cette société unique et très-secrète, qui paraissait si peu, primait Alberoni, et faisait vraiment un gouvernement de nourrice et de femme grosse. Le roi avait du premier lit un fils, le futur roi d'Espagne. Toute la pensée des femmes fut de chercher comment l'enfant à naître et ceux qui pourraient suivre deviendraient aussi rois, princes, au moins en Italie. La condition, des reines veuves était intolérable en Espagne; elles devenaient forcément religieuses. Ces Italiennes ne s'en souciaient pas; elles rêvaient le retour dans leur beau pays, une retraite splendide et paisible chez un fils de la reine qui aurait Parme, la Toscane, qui sait? les Deux-Siciles? L'obstacle était l'Empereur. Il eût fallu brouiller l'Angleterre avec l'Empereur, offrir à George de si grands avantages aux dépens de l'Espagne, qu'il laissât faire ce qu'on voulait de l'Italie. Mais Philippe V y consentirait-il? honnête et scrupuleux comme il était, immolerait-il aux Anglais le commerce espagnol, traiterait-il avec les hérétiques, trahirait-il la cause sainte que Rome et tous les catholiques appuyaient de leurs vœux, la cause du Prétendant, ce grand intérêt de donner un roi catholique àl'Angleterre, à la puissance qui, par la dernière paix, se trouvait l'arbitre du monde?
    Alberoni dut, s'il voulait garder la faveur de la reine, entrer dans cette voie. Lui qui venait de relever l'Inquisition, il dut décider le roi à rechercher l'alliance hérétique, à reconnaître la succession protestante. Tant que Louis XIV vécut, on n'osa pas même en parler. Lui mort, sans ménagement, on démasqua la batterie. Alberoni, la reine, sans retard, sans ménagement, exigèrent de Philippe V qu'il tournât tout à coup contre sa foi, contre l'opinion nationale de l'Espagne, contre la volonté de son grand'père, qui, sur son lit de mort, lui avait écrit pour le Prétendant.
    On profita de sa mauvaise humeur contre la France et le Régent. On lui montra que le Régent rechercherait l'alliance de George et qu'il fallait le gagner de vitesse. Il semble cependant que le bon roi d'Espagne ait lutté environ huit jours. Il était fort dévot, craignait l'enfer, exécrait l'hérétique. Quoique Alberoni fût déjà son ministre réel, le ministre nominal était le grand inquisiteur, qui faisait un peu la balance. La reine la rompit, vainquit, emporta tout.
    Dans cette précipitation indécente, l'honneur du roi n'était pas ménagé. Elle ne daignait cacher l'empire honteux qu'elle exerçait sur lui, ses moyens plus honteux encore. D'une part, elle lui faisait suivre un régime irritant de viandes, d'alicante et d'épices, sans mouvement qu'un peu de chasse en voiture. De l'autre, elle le domptait par les plaisirs ou les refus. Rien n'était ménagé, caresses, menaces, flatteries. Au besoin, elle était très-basse, parfois lâche à ce pointd'admirer la beauté du roi (dont le nez touchait le menton).
    Ce sont les premières scènes, et non pas les moins rebutantes, d'un temps où la nature, hardie et sans réserve, triomphera souvent des intérêts moraux. Cette femme toujours enfermée, qui ne put rien savoir du monde, ignorante, d'autant plus hardie, le troubla vingt années. Elle avait l'âpreté maternelle de la chatte et sa furie pour ses petits. Pour eux, elle alla à l'aveugle jusqu'à ce qu'elle eût fait son fils roi, son mari idiot.
    L'emploi peu scrupuleux des sinistres recettes qui ravivent l'amour aux dépens de la vie, aboutit à l'épilepsie. Les enfants de Philippe V eurent de leur père cet héritage et le portèrent de la maison d'Espagne dans celles d'Autriche et de Naples. La moitié de l'Europe fut gouvernée par des fous.
    Dès le 18 septembre, Alberoni, autorisé du roi, négocia avec Dodington, l'envoyé anglais à Madrid. Il s'agissait d'abord de détruire les barrières que les Anglais trouvaient dans l'Espagne et ses colonies. On tentait l'Angleterre par le côté secret de sa concupiscence, les mers du Sud, le commerce des précieuses denrées qui devenaient des besoins pour l'Europe, la fourniture
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