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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17
Autoren: Jules Michelet
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des nègres qui les cultivent, trafic si lucratif. On voulait dire au fond: «Nous ouvrons l'Amérique. Ouvrez-nous l'Italie.» On ne le disait pas encore. Cependant Dodington fut tellement ravi, ébloui, qu'Alberoni n'hésita pas à lui confier toute la pensée de la reine, et que bientôt il écrivit à Londres: «qu'il n'était rien que l'on n'obtînt, si on la laissait faire en Italie unbon établissement pour ses enfants.» Elle eût donné tout à ce prix, presque l'Espagne elle-même.
    La première lettre de Dodington à Londres pour annoncer les offres de l'Espagne est du 20 septembre. Date extrêmement importante. Avant le 30, un mois après la mort de Louis XIV, le gouvernement whig, notre ennemi, sut que désormais la France était seule, que l'union des deux branches de la maison de Bourbon était dissoute. La fameuse sottise: «Il n'y a plus de Pyrénées,» reparaissait ce qu'elle est, une sottise. Les Pyrénées se relevaient plus hautes. La France, désormais isolée de l'Espagne, était plus faible sous le Régent que la veille de la mort du roi.
    Dodington écrivait à Londres: «Voilà la France et l'Espagne brouillées plus qu'elles ne le seraient par une guerre de quinze ans.»
    Cette brouillerie allait tout d'abord passer aux voies de fait. Alberoni, en attendant qu'il eût construit des vaisseaux, en louait pour poursuivre les nôtres dans les mers du Sud. Il nous fermait ces mers, qu'il ouvrait aux Anglais, se tenant même prêt à les aider dans la destruction de notre marine.
    Quel encouragement pour Marlborough, pour les aboyeurs de la guerre! L'Angleterre est le pays des fortes haines, des colères longues et obstinées. Nombre de whigs sincères retenaient fidèlement l'horreur du dernier règne, la trop juste rancune de la Révocation . Pour eux, Louis XIV n'était pas mort, et ne pouvait mourir; ils le gardaient présent pour justifier leur haine pour nous. Les machines infernales qu'ils lancèrent contre Saint-Malo, elles restaient dans leurscœurs, chargées et surchargées de vœux pour faire sauter la France.
    Les deux marines se haïssaient cruellement. Dans une guerre (de duels à la fin), on s'était des deux parts envenimé jusqu'à n'avoir plus âme d'homme. Notre Cassart, si vaillant, fut féroce, et, sans scrupule, arma les flibustiers. Nos trop heureux corsaires stimulaient l'ennemi, comme les mouches qui rendent un taureau fou. Les Anglais tuaient tout ce qu'ils prenaient. Et encore, ils ne se contentaient pas de la mort; ils y joignaient parfois de longs supplices.
    À ces haines atroces, trop réelles, ajoutez les fausses. Les plus véhéments orateurs, les plus emportés contre nous, étaient les patriotes de l' Alley change , les vaillants de l'agiotage qui, dans la crise de la guerre, avaient eu leurs combats, leurs victoires, de merveilleux Blenheim de bourse, des rafles incomparables. Le calme plat désolait ces héros.
    Dans un moment pareil, l'offre de Philippe V était un coup cruel pour nous, et, disons-le, un acte bien étonnant d'ingratitude. Il avait déjà oublié que nous avions, pour le faire roi, accepté contre l'Europe la plus épouvantable lutte, sacrifié deux milliards, un million d'hommes! La nation, non moins que le roi, nous était redevable. Si elle n'avait un Espagnol, elle devait vouloir un Français, un prince de race, de langue latine. Elle devait repousser l'Autrichien, le blond barbare allemand, dont elle n'eût pas compris un mot. Pour chasser ce barbare, elle eut un moment d'élan admirable, mais court, et généralement,elle rejeta le poids de cette longue guerre sur les armées de la France, et triompha par notre sang.
    Et, aujourd'hui, au bout d'un mois, nous recevions derrière ce coup fourré de l'abandon de l'Espagne. Nous perdions, pour la guerre, notre compagne naturelle, notre matelot , comme on dit en marine du vaisseau acolyte qui doit garder le flanc du vaisseau engagé en bataille.
    Ainsi, quel que pût être le gouvernement bienveillant de la Régence, son élan juvénile et son semblant d'espoir, elle n'avait rien de solide, et réellement portait en l'air. Sans allié, sans argent ni ressources, pliant sous deux milliards et demi de dettes, elle était de plus entourée par la meute implacable des illustres voleurs qui lui mettaient le marché à la main, la rançonnaient, sinon, passaient du côté de l'Espagne. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE II
GRANDEUR DE L'ANGLETERRE—ÉTAT INCURABLE DE LA
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