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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17
Autoren: Jules Michelet
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l'oreille lorsque son envoyé Alberoni, un nain bouffon qui l'amusait, lui demanda un jour pourquoi elle ne prendrait pas la nièce de son maître, le duc Farnèse, une fille toute simple, élevée dans un grenier du palais, qui ne savait que coudre. La princesse le crut, fit la chose; puis, un peu tard, mieux informée, elle voulut la défaire. Mais le mariage était déjà célébré à Parme. D'autre part, le roi était dans une terrible impatience; Alberoni, grossièrement, obscènement, à sa manière, lui avait décrit la fille, selon les goûts du roi, la disant «une grasse Lombarde, bien empâtée de beurre, de parmesan.» Éloge mérité de toute la maison des Farnèse, dont le dernier meurt à force de graisse.
    Ce charmant idéal envahissant le cœur du roi, il sut très-mauvais gré à la princesse Des Ursins de vouloir lui inspirer des défiances sur sa future épouse. Alberoni l'avait pris entièrement par ses contes luxurieux. Il en tira deux choses pour la jeune reine qui arrivait: 1 o l'ordre verbal de lui obéir en tout; 2 o un billet où il lui mandait de faire arrêter, enlever madame Des Ursins, finissant par ce mot d'exquise délicatesse:«Ne manquez pas votre coup tout d'abord. Autrement, elle vous enchantera et nous empêchera de coucher ensemble, comme avec la feue reine.» Il est vrai que la Des Ursins, aux derniers jours, l'avait sagement prié d'épargner la mourante, qui pouvait lui donner son mal.
    Alberoni porta ce mot lui-même à la frontière où était la jeune reine, et se tint dans la coulisse pour surveiller l'exécution. Autrement cette fille sans expérience n'eût eu ni l'assurance ni la férocité impudente pour jouer cette scène de fausse fureur sans cause ni prétexte. Tout le monde l'a lue dans Saint-Simon. C'était l'hiver; la vieille dame fut enlevée en habit de bal et traînée vingt jours dans les glaces, au hasard de la faire crever. Le lendemain, le roi qui était venu au-devant, rencontra enfin sa grasse Lombarde, et l'épousa sur l'heure dans la première maison qui se trouva. En plein jour, ils se mirent au lit.
    En rentrant à Madrid, on rendit à l'Inquisition ses droits et privilèges. On renonça à la réforme du clergé. Alberoni, sans titre, devint le seul ministre et le vrai roi d'Espagne. Son triomphe était celui de l'Église. Il entretint dès lors une étroite correspondance avec Rome pour obtenir le chapeau. Il donna de sa main au roi un confesseur jésuite, et le plus agréable au pape, le P. d'Aubenton, principal rédacteur de la bulle Unigenitus . La reine aussi reçut un confesseur de la main de ce Figaro.
    Elle était jusque-là la créature d'Alberoni, qui l'avait tirée de son néant de Parme et l'avait si lestement délivrée de la Des Ursins. Mais elle prit si fortementle roi qu'en un moment elle fut maîtresse de tout. Ce n'était pas une petite fille. Elle avait vingt-quatre ans. Elle était forte, véhémente, envahissante. Comme elle avait été très-malheureuse, très-durement tenue par sa mère, sa situation nouvelle, tout enfermée qu'elle fût, était pour elle une liberté relative. Elle y fut gaie, charmante, et elle enveloppa entièrement Philippe V. Elle partagea, resserra la captivité qu'il aimait. Ils furent prisonniers l'un de l'autre. Même chambre, petite, un seul lit, et petit. Ils se quittaient si peu que même avec son confesseur, le roi ne restait qu'un moment. Et, si la confession de la reine était un peu longue, le roi l'interrompait. Si en marchant elle restait de deux pas en arrière, il se retournait, l'attendait. Ils communiaient, priaient, chassaient, mangeaient ensemble. Ni nuit, ni jour, nul à parte .
    Alberoni était souvent en tiers. La reine lui donna un rival d'influence. Se trouvant grosse, elle voulut avoir sa nourrice, la fit venir de Parme. Cette femme, Laura Piscatori, était une simple paysanne, mais fort intelligente, et la reine eut dès lors une âme à elle. Cette nourrice eut le bas service intérieur, qui donnait tant de prise. Elle entrait le matin, tirait les rideaux, aidait la reine à prendre les premiers vêtements avant la toilette. Elle fut, peu à peu, comme un animal domestique qui voyait tout, le plus caché, les secrets rapports des époux. S'il y avait un peu de froid, elle les rapprochait. Elle avait deux moments uniques où la reine était seule et pouvait s'épancher, bien courts, il est vrai, cinq minutes, où le roi sortaitpour se faire habiller et où la reine se
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