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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre
Autoren: Nicolas Remin
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apaisantes, qui durèrent beaucoup plus longtemps dans son esprit que dans la réalité, il fut persuadé d’être en proie à un abominable cauchemar. Le sauternes l’avait achevé (à table encore une fois ?) ; il n’allait pas tarder à rouvrir les yeux, à sortir la tête de son oreiller (la nappe ?) et à se rendre compte qu’il…
    À ce moment-là en fait, il retrouva son entendement – le peu d’entendement qui lui restait encore. En rouvrant les yeux, il constata sans aucune surprise que le canon du revolver visait droit son cœur. Il s’éclaircit la gorge.
    — Vous saviez que Troubetzkoï gisait ici ?
    Encore une question superflue. Évidemment qu’il le savait ! Potocki hocha la tête.
    — Je l’ai abattu il y a deux heures.
    — Parce qu’il a tué votre femme ? Et parce que vous pensiez que nous n’arriverions jamais à le convaincre de meurtre ?
    Le veuf lui lança un regard amusé. Puis il dit en souriant quelques mots que Tron ne comprit pas.
    — Non, mais parce qu’il vous a tué. Il a tiré sur vous au moment où vous êtes entré. Voilà pourquoi je l’ai abattu.
    Il fallut un moment à Tron pour saisir le sens de ces paroles.
    — Vous l’avez attiré dans cet appartement sous quelque prétexte et l’avez tué. C’est exact ?
    — Exact, commissaire.
    — Et comme vous seriez le principal suspect dans les circonstances actuelles, vous avez besoin d’un alibi.
    Il acquiesça.
    — Si je vous tue et lui glisse ensuite le revolver dans la main, j’ai le meilleur alibi du monde.
    On ne pouvait contester à ce plan une élégance perfide. Tron hocha la tête d’un air admirateur.
    — Le scénario est parfait. D’autant que nous le soupçonnions.
    À présent, Potocki était ni plus ni moins que radieux.
    — Il est encore plus parfait que vous ne le croyez.
    — Là, vous devez m’expliquer.
    — Que se serait-il passé si je m’étais contenté de l’abattre ?
    — Après votre dispute au Quadri , nous aurions subi de fortes pressions pour établir votre culpabilité, répondit Tron. Il est probable que même le ministère des Affaires étrangères s’en serait mêlé.
    Potocki inclina la tête en signe d’approbation.
    — Vous auriez retourné chaque pierre où je me suis un jour assis.
    Il s’arrêta et le fixa avec un sourire sournois.
    — Tôt ou tard, vous auriez découvert que je connaissais Orlov.
    Pardon ? Que venait-il de dire ? Tron fut obligé de ravaler sa salive.
    — Orlov et vous, vous vous connaissiez ? Depuis quand ?
    Le meurtrier semblait apprécier leur petite conversation.
    — Nous avons tous les deux appartenu au deuxième régiment de la garde de Saint-Pétersbourg, expliqua-t-il gaiement. Orlov était mon supérieur. Il est venu me voir quand il a rencontré ce problème avec la reine et Kostolany.
    Il marqua une nouvelle pause car une rafale vint frapper les volets et fit vaciller la flamme des bougies. Il pleuvait toujours à torrents.
    — Au départ, j’ai cru que cette affaire pouvait se régler avec de l’argent. Mais Kostolany s’est révélé être un moraliste obtus. Quand j’ai enfin réussi à lui faire abandonner ses principes, il a réclamé une somme folle. Cela étant, sa convoitise m’a donné une idée. D’autant que j’allais boire la tasse.
    — Parce que votre épouse voulait vous quitter ? Et qu’un divorce vous aurait laissé sans ressources ? demanda le commissaire.
    Il acquiesça.
    — Un Titien facile à transporter m’était plus que bienvenu.
    — C’est donc vous qui avez tué Kostolany et pris sa place ?
    Le regard de Potocki exprima à la fois l’étonnement et le respect sincère.
    — Je vous avais sous-estimé, commissaire.
    — Nous avons présenté une photographie du lieu du crime à la reine, qui nous a assuré n’avoir jamais vu la victime. Notre erreur consistait à tenir Troubetzkoï pour l’assassin.
    Il dévisagea son adversaire.
    — Et le père Terenzio, pourquoi devait-il mourir ?
    — Il n’était pas difficile de l’éliminer et de faire croire à un accident, expliqua le criminel. Je pensais que l’affaire serait close après son décès puisque vous le soupçonniez. Par malheur, votre sergent a deviné la vérité. Vous avez donc poursuivi votre enquête.
    — Et Orlov ?
    — Cette boule de nerfs s’apprêtait à tout confesser à la reine. La mort de Kostolany semblait l’avoir ébranlé outre mesure – bien qu’il ait joué la comédie à merveille le soir où je les ai
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