Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre
Autoren: Nicolas Remin
Vom Netzwerk:
profondément et ferma les yeux avec ravissement en posant le pied sur la dernière marche.
    Dès qu’il entra dans le salon, il comprit à la tenue et aux mouvements de Maria que Leinsdorf avait signé. La princesse portait une robe de soirée quelque peu solennelle dont le haut, sans manches et au décolleté profond, ressemblait à un bustier. Dessous, il distingua un corsage en organsin clair et transparent. Et dans sa main – révérence manifeste à la mode extrême-orientale – un éventail en forme de feuille arrondie, muni d’un manche.
    Il s’avança sans hâte – comme dans un rêve – et s’arrêta à un pas d’elle. À travers la fenêtre devant laquelle elle se tenait, il aperçut un ciel noir et sans étoiles ; seules quelques lueurs des Ca’Barbaro scintillaient dans la nuit. Tout à coup, la chaleur moite qui pesait sur la cité ne lui parut plus collante, désagréable, mais au contraire sensuelle, excitante – comme la bouteille de veuve-clicquot déjà débouchée qui attendait, prometteuse, dans le seau en argent. Il leva les sourcils.
    — Leinsdorf a signé ?
    — Il ne demandait pas mieux ! Et Troubetzkoï, a-t-il un alibi pour hier soir ?
    Troubetzkoï ? Le commissaire fut obligé de constater qu’il avait du mal à détourner le regard de sa fiancée. Et qu’il n’avait aucune envie de s’attarder sur ce sujet. Il haussa les épaules.
    — Non, mais cela ne veut pas dire grand-chose.
    — Tu ne veux pas en parler ?
    Il secoua la tête.
    — Je n’ai pas l’intention de penser à tout cela ce soir.
    Il baissa la voix pour lui donner une note sensuelle.
    — À partir de maintenant, je n’ai plus l’intention de penser du tout .
    Elle sourit.
    — Et quelles sont tes intentions ?
    — Qu’y a-t-il au menu ?
    — Des truffes en surprise .
    Des truffes en surprise ? Merveilleux ! Cela faisait penser à… eh bien une surprise.
    — Et à boire ?
    — Un sauternes, répondit-elle avec modestie.
    — Et après ?
    Maria fit un demi-pas vers lui et leva la tête. À présent, ses yeux verts étaient si proches des siens qu’il ne voyait plus rien d’autre. Elle se tut un moment, puis dit dans le vénitien le plus pur : — Après, nous ne sommes plus là pour personne.
    Sauf que… l’homme propose et Dieu dispose . Comme la tradition populaire avait raison une fois de plus, pensa Tron en entendant soudain des voix, puis des cris dans le vestibule. La porte à deux battants s’ouvrit et Moussada (ou Massouda ?) apparut. Derrière lui se tenait un homme à moitié caché par le turban et la plume de paon tremblotante sous l’effet de l’excitation. Le domestique fit un pas en arrière pour annoncer le visiteur de manière à peu près convenable.
    La princesse lui jeta un regard qui aurait fait reculer un troupeau de buffles affolés. Sa voix avait un timbre glacial. Tron ne put s’empêcher d’admirer sa maîtrise de soi.
    — Que se passe-t-il, Moussada ?
    Moussada, qui ressemblait plus que jamais à une créature jaillie de l’imagination de Shéhérazade, s’inclina. Puis il posa la main sur le pommeau de son cimeterre et dit : — Dehors signor . Pas vouloir partir.
    La grammaire de Moussada laissait quelque peu à désirer.
    — S’est-il présenté ? s’enquit la princesse.
    — Nom Potocki, répondit le domestique dans son italien rudimentaire.
    Sa main reposait toujours sur le pommeau de son sabre à la lame brillante et recourbée dont la fonction strictement décorative ne faisait plus aucun doute depuis l’intrusion de l’inconnu jusque dans le vestibule du salon.
    La princesse tourna un regard interrogateur vers son fiancé.
    — Tu es là ou non ?
    — Tu crois que je devrais être là ?
    La princesse haussa les épaules, s’empara de son étui à cigarettes, en alluma une et inhala la fumée. Puis elle dit avec une indifférence aussi vraie que les tableaux de Sivry destinés aux étrangers : — Accorde-lui cinq minutes.
     
    Dans la lueur des lanternes de coursive qui flanquaient la porte à double battant du vestibule, Tron remarqua qu’il ne restait plus grand-chose de l’allure mondaine, fleurie, du nouveau Brummell. Sa redingote était encore plus tachée et froissée que lors de leur récente entrevue au commissariat. En l’espace de quelques jours, des rides profondes s’étaient creusées sur son front et dans ses joues. Il ne prit même pas la peine de le saluer ou de s’excuser de cette visite intempestive.
    — Je sais où se trouve
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher