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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre
Autoren: Nicolas Remin
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spéculatif ne convainque guère son interlocuteur.
    — C’est Troubetzkoï qui vous a mis cette idée en tête ?
    Tron haussa les épaules.
    — Il m’a simplement suggéré cette possibilité.
    Ils avaient passé le pont de l’Académie et approchaient du rio di San Barnaba. Les bourrasques s’étaient amplifiées ; l’air sentait soudain la pluie. Ils n’avaient croisé que de rares gondoles qui auraient été tout à fait invisibles sans les petites lampes accrochées à la figure de proue.
    Tron avait desserré sa cravate et ôté son chapeau ; sa main pendait nonchalamment dans l’eau. Des rires et des bruits de vaisselle s’échappaient des maisons. Il pensa à Maria, au seau à champagne en argent – et aux truffes en surprise * qui l’attendaient au palais Balbi-Valier. L’attendaient-elles encore ? Oui, c’était probable. Il serait de retour dans une heure au plus tard, avait-il promis à sa fiancée.
    C’est seulement après la Ca’ Rezzonico, alors que les premières gouttes commençaient à tomber, que Potocki rompit le silence.
    — Qu’avez-vous l’intention de faire du tableau, commissaire ?
    — L’emporter.
    — Et si nous rencontrons Troubetzkoï ?
    La voix du veuf trahissait la peur. Le commissaire sourit.
    — Je l’arrêterai.
    — Vous avez une arme sur vous ?
    Tron secoua la tête.
    — Je n’en ai encore jamais eu besoin.
    Ce n’était pas vrai, mais comme son compagnon de voyage semblait effrayé, il avait jugé préférable de le rassurer.
    Peu après le ponte dei Pugni, le veuf ordonna au gondolier de s’arrêter sur la fondamenta Gherardini. Au moment où ils mirent pied à terre, un violent éclair pourpre et blanc embrasa le ciel comme un arc électrique. Avant même que le tonnerre ne gronde, une pluie torrentielle s’abattit sur eux. Elle les fouettait en bourrasques de tous côtés et rebondissait sur le pavé. En quelques instants, la redingote de Tron fut trempée.
    Malgré la pluie, Potocki parvint à allumer une lanterne. Le commissaire lui emboîta le pas. Au bout d’une dizaine de mètres, son guide s’arrêta devant une porte peinte en rouge et sortit une clé de sa poche. Tron supposa qu’ils se trouvaient à l’endroit où un bateau vendait des fruits et des légumes pendant la journée, mais il faisait trop noir et il pleuvait trop fort pour qu’il pût reconnaître les environs.
    Potocki ouvrit et ils pénétrèrent dans un couloir à peine éclairé par une lampe à huile accrochée au plafond. Tron distingua deux portes sur la droite et, de manière floue, une troisième au fond du couloir. Potocki fit encore deux pas, puis se retourna. La lanterne sourde qu’il tenait à la main balançait et dessinait des ombres frémissantes sur son visage. Même ici, à l’intérieur, le bruit de la pluie demeurait assourdissant. Il dut élever la voix pour se faire comprendre.
    — Attendez-moi un instant, commissaire.
    — Pourquoi ?
    Il émit un petit rire, sans doute pour cacher sa nervosité.
    — Je vais vous allumer quelques bougies.
    Il se remit à marcher, ouvrit la porte au fond du couloir et la rabattit derrière lui. Tron distingua ainsi une lueur de plus en plus vive à travers l’entrebâillement. Au bout d’un moment, Potocki l’appela. Il le rejoignit.
    La première chose qu’il vit en entrant dans la pièce – un réduit minuscule tapissé de soie dans les tons jaunes – fut le Titien. Le tableau était posé entre deux candélabres sur la plaque en marbre d’une console où une demi-douzaine de bougies supplémentaires venait renforcer l’éclairage. Devant la table, pareil à un faisan sur l’étal d’un boucher, Troubetzkoï était allongé dans la veste d’intérieur en velours rouge qu’il portait quelques heures plus tôt. Le coup qui l’avait tué devait l’avoir atteint de dos. Il tenait un lourd revolver de soldat dans la main droite et ses yeux fixaient le plafond.
    Une discrète odeur de cordite flottait dans l’air et se mêlait au parfum des bougies. Potocki se pencha et ramassa l’arme du grand-prince dont le canon brilla quand il le pointa vers le commissaire. Il émit un rire bref qui évoquait un grognement. Le revolver sauta plusieurs fois dans sa main comme une grenouille.

48
    Tron ferma les yeux. Il sentait son pouls battre contre ses tempes comme des doigts sur un tambour en sourdine. À présent, l’orage dominait Venise. Un vent de tempête faisait claquer les volets. Pendant quelques secondes
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