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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre
Autoren: Nicolas Remin
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le Titien, annonça-t-il sans élever la voix.
    Cette phrase était courte et sans ambiguïté. Pourtant, ses paroles semblaient venues de loin, comme un bruit ayant franchi à grand-peine un obstacle.
    Tron fut obligé de toussoter avant de pouvoir demander : — Et où ?
    — Dans une maison sur le rio di San Barnaba, répondit Potocki.
    Il prit Tron par le bras ; dans ses yeux brillait une lueur fébrile.
    — Il faut se presser, commissaire !

47
    Quand Tron monta dans la gondole de Potocki, quelques instants plus tard, un vent qui soufflait en bourrasques violentes s’était levé. Des éclairs striaient le ciel à l’ouest de la lagune ; on entendait au loin les roulements étouffés du tonnerre. L’air était pourtant toujours moite et humide, rempli de gouttes saumâtres. Un relent pestilentiel à la surface de l’eau se mêlait aux odeurs émanant de Potocki, assis à côté de lui. La gondole quitta le quai et la proue tourna lourdement en direction du Rialto. Les feux de position fixés à la ferra traçaient un demi-cercle paresseux dans l’obscurité.
    — J’avais raison, déclara Potocki d’une voix cassée. C’est Troubetzkoï qui a tué Constancia. Je vous avais bien dit qu’elle savait quelque chose sur un tableau. Vous vous souvenez ?
    — Bien sûr.
    — Elle a vu le Titien… dans son deuxième nid d’amour.
    Potocki fit entendre un rire amer.
    — Troubetzkoï a craint qu’elle ne parle. C’est pourquoi elle devait mourir.
    — Comment avez-vous découvert ce logement ?
    — Grâce à une clé que j’ai trouvée aujourd’hui et qui ne correspondait à aucune serrure du palais Mocenigo. Anna Kinsky m’a avoué ce qu’il en était. Elle connaissait l’adresse.
    — Vous y êtes déjà allé ?
    Une question stupide que le commissaire regretta aussitôt. Le veuf sourit avec indulgence.
    — Sinon, je ne saurais pas où se cache le Titien, répondit-il. Je suis tout de suite venu vous chercher au palais Tron. Là, votre majordome m’a envoyé au palais Balbi-Valier.
    — Si c’est vraiment Troubetzkoï qui a tué votre femme, lâcha Tron d’une voix lente, je l’ai manqué de peu. Votre femme jouait encore du piano pendant que nous discutions dans l’escalier. Le grand-prince ne disposait donc guère que de quatre minutes au grand maximum pour l’étrangler et s’échapper par la terrasse.
    — Il vous paraît par conséquent invraisemblable qu’il soit le meurtrier ?
    Bonne question, pensa Tron. Cette hypothèse lui paraissait-elle invraisemblable ? Aurait-il estimé vraisemblable cette promenade en gondole en compagnie de Potocki si on le lui avait demandé une demi-heure plus tôt ? Et quelle autre possibilité s’offrait à lui ? L’hypothèse qu’Anna Kinsky avait tué sa propre cousine ? Pas très vraisemblable non plus.
    — Le plus difficile sera de le démontrer, dit-il.
    Il s’appuya contre le dossier et soupira.
    — Néanmoins, il reste une autre version. Que savez-vous sur le procès intenté à Mme Kinsky ?
    Potocki inclina la tête en arrière, comme pour lire un texte écrit dans les étoiles.
    — Le mari d’Anna Kinsky a été empoisonné. Il n’a pas été possible de prouver sa culpabilité. Malgré tout, elle a perdu le procès concernant l’héritage. Sa belle-famille a contesté le testament. C’est pourquoi elle s’est retrouvée démunie et est venue s’installer chez nous.
    — Un non-lieu par manque de preuve ?
    — Je ne comprends pas bien où vous voulez en venir, commissaire.
    — Le grand-prince a laissé entendre, répondit Tron, que votre épouse aurait pu être assassinée par sa cousine.
    Il ajouta :
    — Le médecin légiste pense qu’une femme aurait pu sans mal commettre ce crime.
    Potocki pouffa de rire.
    — C’est ridicule ! Quel motif aurait-elle eu ?
    La jalousie ? L’envie ? Le vague espoir de prendre la place de sa cousine après sa mort ? Chacun de ces motifs semblait plausible. Mais pouvait-on imaginer cet être doux et pieux en train de commettre un crime de sang-froid ? Tron fut obligé de repenser aux allures martiales d’Orlov – et au petit doigt qu’il levait pour boire du café.
    — Vous m’avez bien affirmé qu’elle vous avait fait les yeux doux, dit-il. Après la mort de votre épouse, vous êtes libre. Sa dévotion pourrait n’être qu’un déguisement raffiné. Personne n’aurait l’idée d’attribuer un meurtre à une femme pareille.
    Il ne fut pas surpris qu’un raisonnement aussi
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