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George Sand

George Sand

Titel: George Sand
Autoren: Elme Caro
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d'expression qu'elle-même se comparait à une «eau de source qui court sans trop savoir ce qu'elle pourrait refléter en s'arrêtant [Lettres du 10 mars 1862.]», et un écrivain tel que Flaubert, esprit d'invention et d'expression laborieuse, difficile envers soi-même comme envers les autres, inquiet et mécontent de son oeuvre, un des représentants de ce groupe et de cette race d'artistes excessifs, grands ouvriers de la forme, bijoutiers de style, ciseleurs de camées rares, un chercheur acharné du mot le plus expressif ou de l'épithète la plus décorative, se torturant sur une page comme si l'avenir du monde ou mieux l'avenir de l'art en dépendait, tourmenté par une sorte d'acuité et de subtilité maladive de sensations littéraires, épuisant ainsi dans le détail sa riche personnalité d'artiste, indifférent au fond des choses, ne prenant ni parti ni passion pour les grandes idées qui mènent le monde, curieux seulement de noter la diversité des caractères qu'elles inspirent ou des manies qu'elles produisent, observateur impassible des marionnettes humaines et des fils secrets qui les agitent. Il n'en avait pas été toujours ainsi. Madame Bovary avait représenté, dans l'histoire de cet esprit, un moment de dilatation et d'épanouissement, une richesse et une largeur de composition, une sorte de bonheur de produire, une joie dans la fécondité qu'il ne trouve pas plus tard. Cette large veine s'était détournée ensuite du grand courant humain sur des curiosités archéologiques ou des singularités de cas pathologiques.
De là une certaine désaffection du public, une impopularité croissante, et de là aussi, chez l'écrivain, bien des ombrages et des découragements.
    George Sand ne cesse pas de le relever dans ses défaillances ; elle lui prodigue les meilleurs conseils, au hasard de son coeur et de sa plume ; elle l'excite, le rassure, semant, à travers sa correspondance, les idées les plus saines sur la vraie situation de l'artiste, qui ne doit pas s'isoler trop orgueilleusement de l'humanité, sur les conditions de l'art, sur les devoirs qu'il impose et qu'il ne faut pas confondre avec les servitudes et les exigences des coteries. Dans toute cette partie de la correspondance, tout en se peignant au naturel, George Sand se maintient à un niveau très élevé de raison et de coeur. Pleine de sollicitude pour le cher artiste tourmenté et malade, elle fait tous ses efforts pour lui communiquer quelque chose de sa sérénité et de sa vigueur saine d'esprit. Qu'il s'abandonne un peu plus à son imagination naturelle ; qu'il la tourmente moins au risque de la paralyser : «Vous m'étonnez toujours avec votre travail pénible ; est-ce une coquetterie ? Ça paraît si peu... Quant au style, j'en fais meilleur marché que vous. Le vent joue de ma vieille harpe comme il lui plaît. Il a ses hauts et ses bas, ses grosses notes et ses défaillances ; au fond, ça m'est égal, pourvu que l'émotion vienne, mais je ne peux rien trouver en moi. C'est l'autre qui chante à son gré, mal ou bien, et, quand j'essaye de penser à ça, je m'en effraye et me dis que je ne suis rien, rien du tout. Mais une grande sagesse nous sauve ; nous savons nous dire : «Eh bien, quand nous ne serions absolument que des instruments, c'est encore un joli état et une sensation à nulle autre pareille que de se sentir vibrer...» Laissez donc le vent courir un peu dans vos cordes. Moi, je crois que vous prenez plus de peine qu'il ne faut, et que vous devriez laisser faire l'autre plus souvent...»
    Elle revient à chaque instant sur ce conseil qui contient en germe toute une hygiène appropriée au talent de Flaubert, devenu le tourmenteur et le supplicié de lui-même. «Ayez donc moins de cruauté envers vous. Allez de l'avant, et, quand le souffle aura produit, vous remonterez le ton général et sacrifierez ce qui ne doit pas venir au premier plan. Est-ce que ça ne se peut pas ? Il me semble que si. Ce que vous faites paraît si facile, si abondant ! C'est un trop-plein perpétuel. Je ne comprends rien à votre angoisse.» Elle souffre aussi de voir qu'il se fâche à tout propos contre le public, qu'il est indécoléreux. «À l'âge que tu as, j'aimerais te voir moins irrité, moins occupé de la bêtise des autres. Pour moi, c'est du temps perdu, comme de se récrier sur l'ennui de la pluie et des mouches. Le public, à qui l'on dit tant qu'il est bête, se fâche et n'en devient que plus bête.
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