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George Sand

George Sand

Titel: George Sand
Autoren: Elme Caro
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Après ça, peut-être que cette indignation chronique est un besoin de ton organisation ; moi, elle me tuerait.» Elle combat sans cesse son hérésie favorite, qui est que l'on écrit pour vingt personnes intelligentes et qu'on se moque du reste. «Ce n'est pas vrai, puisque l'absence de succès t'irrite et t'affecte.»
Pas de mépris pour le public ! Il faut écrire pour tous ceux qui ont soif de lire et qui peuvent profiter d'une bonne lecture. Pas d'isolement orgueilleux en dehors de l'humanité ! Elle ne peut pas admettre que, sous prétexte d'être artiste, on cesse d'être soi-même, et que l'homme de lettres détruise l'homme. Quelle singulière manie, dès qu'on écrit, de vouloir être un autre homme que l'être réel, d'être celui qui doit disparaître, celui qui s'annihile, celui qui n'est pas ! Quelle fausse règle de bon goût ! Pour elle, elle se met tant qu'elle peut dans la peau de ses bonshommes.
    Tout écrivain doit faire ainsi, s'il veut intéresser. Il ne s'agit pas de mettre sa personne en scène. Cela, en effet, ne vaut rien. «Mais retirer son âme de ce que l'on fait, quelle est cette fantaisie maladive ? Cacher sa propre opinion sur les personnages que l'on met en scène, laisser par conséquent le lecteur incertain sur l'opinion qu'il en doit avoir, c'est vouloir n'être pas compris, et, dès lors, le lecteur vous quitte ; car, s'il veut entendre l'histoire que vous lui racontez, c'est à la condition que vous lui montriez clairement que celui-ci est un fort, celui-là un faible.» Ç'a été le tort impardonnable de l'Éducation sentimentale et l'unique cause de son échec. «Cette volonté de peindre les choses comme elles sont, les aventures de la vie comme elles se présentent à la vue, n'est pas bien raisonnée, selon moi. Peignez en réaliste ou en poète les choses inertes, cela m'est égal ; mais quand on aborde les mouvements du coeur humain, c'est autre chose. Vous ne pouvez pas vous abstraire de cette contemplation ; car l'homme, c'est vous, et les hommes, c'est le lecteur.»
Flaubert répondait qu'il préférait une phrase bien faite à toute la métaphysique, et il se renfermait, avec une sorte de mystère jaloux, dans le culte de la forme. Tout récemment le Journal des Goncourt nous donnait un croquis intime d'une de ces séances du club des initiés, au bureau de l'Artiste ; il nous retraçait l'image alourdie de Théophile Gautier répétant et rabâchant amoureusement cette phrase : «De la forme naît l'idée», une phrase que lui avait dite le matin même Flaubert et qu'il regardait comme la formule suprême de l'école, et qu'il voulait qu'on gravât sur les murs. C'est contre cette école que George Sand use les dernières armes de sa dialectique toujours jeune malgré l'âge.
    Ce sont là des formules déplorables, des partis pris excessifs en paroles. «Au fond, disait-elle à Flaubert, tu lis, tu creuses, tu travailles plus que moi et qu'une foule d'autres. Tu es plus riche cent fois que nous tous ; tu es un riche et tu cries comme un pauvre. Faites la charité à un gueux qui a de l'or plein sa paillasse, mais qui ne veut se nourrir que de phrases bien faites et de mots choisis... Mais, bêta, fouille dans ta paillasse et mange ton or. Nourris-toi des idées et des sentiments amassés dans ta tête et dans ton coeur ; les mots et les phrases, la forme, dont tu fais tant de cas, sortira toute seule de ta digestion. Tu la considères comme un but, elle n'est qu'un effet... La suprême impartialité est une chose antihumaine ; un roman doit être humain avant tout. S'il ne l'est pas, on ne lui sait point gré d'être bien écrit, bien composé et bien observé dans le détail. La qualité essentielle lui manque : l'intérêt.» Et la note affectueuse venait corriger ce que le conseil avait de sévère : «Il te faut un succès après une mauvaise chance qui t'a troublé profondément ; je te dis où sont les conditions certaines de ce succès. Garde ton culte pour la forme ; mais occupe-toi davantage du fond (qui était, pour elle, les idées et la signification précise de l'oeuvre). Ne prends pas la vertu vraie pour un lieu commun en littérature. Donne-lui son représentant ; fais passer l'honnête et le fort à travers ces fous et ces idiots dont tu aimes à te moquer. Quitte la caverne des réalistes et reviens à la vraie réalité, qui est mêlée de beau et de laid, de terne et de brillant, mais où la volonté du bien trouve quand même
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