Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
George Sand

George Sand

Titel: George Sand
Autoren: Elme Caro
Vom Netzwerk:
du talent et permet de le varier, non sans le fatiguer sans doute, mais sans l'épuiser jamais.—Le don de nature se constate et ne s'analyse guère. Comment expliquer avec précision ce fait extraordinaire d'une imagination qui s'éprend avec ardeur de ses propres créations, d'une faculté d'expression qui se trouve un jour toute prête, sans avoir été préparée, qui s'adapte presque sans tâtonnement et sans effort aux sujets les plus divers, à l'analyse et à l'action, comme si l'auteur ne trouvait rien de plus aisé et de plus naturel que de raconter ses visions intérieures et de faire voir aux autres les personnages et les drames qui s'agitent en lui à l'aide d'un style qui n'est que sa pensée devenue visible ?
    C'est là le don, il existe, et l'on trouve de ces esprits prédestinés qui se jouent des difficultés de l'expression avec une aisance lumineuse et une liberté pleine de grâce, tandis que d'autres écrivains, artistes profonds, mais laborieux, se travaillent eux-mêmes et fatiguent leur intelligence pour accomplir leur oeuvre, non certes sans succès, mais avec un effort qui laisse sa trace dans chaque page, dans chaque phrase, dans chaque mot. Le sillon est creusé profondément, mais le lecteur semble y avoir collaboré lui-même. De là, selon les degrés où se place l'écrivain, une estime ou une admiration qui n'est pas exempte d'un certain sentiment de lassitude.
Mais chez George Sand, à ce don naturel se joignait une culture très variée, très étendue. Elle avait beaucoup lu, et, bien qu'elle l'eût fait à tort et à travers, il lui était resté de ces études diverses des alluvions assez riches qui, mêlées à son propre fonds, l'enrichissaient singulièrement et aidaient à sa fécondité. Personne n'a mieux compris qu'elle et mieux exprimé la nécessité de l'étude pour l'art. «Je ne sais rien, disait-elle ; mais cependant il me reste quelque chose d'avoir beaucoup lu et beaucoup appris... Je ne sais rien, parce que je n'ai plus de mémoire ; mais j'ai beaucoup appris, et à dix-sept ans je passais mes nuits à apprendre. Si les choses ne sont pas restées en moi à l'état distinct, elles ont fait tout de même leur miel dans mon esprit.» Nous avons vu, en effet, dans l'Histoire de ma vie, combien de lectures elle avait traversées au hasard, mais non stérilement, puisque de chaque auteur, poète, philosophe, publiciste, Byron, Goethe, Leibniz et Rousseau, il était resté quelque parcelle qui roulait un peu confusément dans le vaste et puissant courant de sa vie cérébrale.
    Elle ne cessait de recommander cette méthode aux dilettantes, aux amateurs, ou bien encore aux jeunes paresseux qui s'adressaient à elle, comme à une conseillère commode qui allait leur dire : «Vous avez du génie ; fiez-vous à lui et marchez sans crainte». C'est ce que répondent d'ordinaire les grands avocats consultants de la gloire à tous les solliciteurs qui les importunent et à qui ils envoient bien vite, pour s'en débarrasser, quelque compliment stéréotypé, avec leur bénédiction littéraire. George Sand s'abstenait de payer en ce genre de monnaie banale les jeunes aspirants à l'art : «Vous voulez être littérateur, écrivait-elle à l'un d'eux, je le sais bien. Je vous ai dit : Vous pouvez l'être si vous apprenez tout. L'art n'est pas un don qui puisse se passer d'un savoir étendu dans tous les sens... Vous pouvez être frappé du manque de solidité de la plupart des écrits et des productions actuelles : tout vient du manque d'étude. Jamais un bon esprit ne se formera s'il n'a pas vaincu les difficultés de toute espèce de travail, ou au moins de certains travaux qui exigent la tension de la volonté.» Elle est implacable, pour ceux à qui elle s'intéresse, sur cette hygiène préparatoire de la volonté qui ne conduit pas à l'érudition proprement dite, mais qui développe une aptitude spéciale à tout comprendre, le jour où il le faudra et où l'écrivain le voudra. L'art tout seul, livré à lui-même, se dévore et se consume. «Vous avez les instincts et les goûts de l'art, dit-elle à l'un des favoris de sa critique ; mais vous pouvez constater à chaque instant que l'artiste purement artiste est impuissant, c'est-à-dire médiocre ou excessif, c'est-à-dire fou... Vous croyez pouvoir produire sans avoir amassé... Vous croyez qu'on s'en tire avec de la réflexion et des conseils.
    Non, on ne s'en tire pas. Il faut avoir vécu et cherché. Il
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher