Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
George Sand

George Sand

Titel: George Sand
Autoren: Elme Caro
Vom Netzwerk:
ébranlés dans le fond, mais modifiés dans l'application. À un jeune enthousiaste qui lui envoyait des poésies politiques : «Merci, répondait-elle ; mais ne me dédiez pas ces vers-là... Je hais le sang répandu, et je ne veux plus de cette thèse : «Faisons le mal pour amener le bien ; tuons pour créer». Non, non, ma vieillesse proteste contre la tolérance où ma jeunesse a flotté.
    Il faut nous débarrasser des théories de 1793 ; elles nous ont perdus. Terreur et Saint-Barthélemy, c'est la même voie... Maudissez tous ceux qui creusent des charniers. La vie n'en sort pas. C'est une erreur historique dont il faut nous dégager. Le mal engendre le mal...» (21 octobre 1871.) Et dans le style familier qu'elle aime jusqu'à l'abus, avec ce tutoiement qui est chez elle un reste de la vie d'artiste, elle disait à Flaubert : «J'ai écrit jour par jour mes impressions et mes réflexions durant la crise. La Revue des Deux Mondes publie ce journal. Si tu le lis, tu verras que partout la vie a été déchirée à fond, même dans les pays où la guerre n'a pas pénétré ! Tu verras aussi que je n'ai pas gobé, quoique très gobeuse, la blague des partis.» Le style n'est pas noble, mais combien expressif !
Elle raille son enthousiasme d'autrefois sans critique et sans défiance, cet optimisme, impatient des délais, qui voulait réaliser le progrès, immédiatement et à tout prix, fût-ce par la force. Elle avait cependant beaucoup fait pour améliorer sa nature, et voilà que les événements de Paris remettent tout en question à ses yeux : «J'avais gagné beaucoup sur mon propre caractère, j'avais éteint les ébullitions inutiles et dangereuses, j'avais semé sur mes volcans de l'herbe et des fleurs qui venaient bien, et je me figurais que tout le monde pouvait s'éclairer, se corriger ou se contenir..., et voilà que je m'éveille d'un rêve... C'est pourtant mal de désespérer... Ça passera, j'espère. Mais je suis malade du mal de ma nation et de ma race.»—«Défendons-nous de mourir !» s'écrie-t-elle sans cesse, et elle ajoute : «Je parle comme si je devais vivre longtemps, et j'oublie que je suis très vieille.
    Qu'importe ? je vivrai dans ceux qui vivront après moi.» (1871.)
En toute chose, même dans l'ordre philosophique, il se produit ainsi chez elle un notable apaisement ; la passion excessive, qui jette dans chacune de ses idées une flamme d'orage, s'est calmée. Elle demeure spiritualiste ardente, comme elle l'a toujours été, mais elle ne croit plus nécessaire de faire la guerre au christianisme ; elle reste en dehors, elle ne fulmine plus. On chercherait en vain, dans sa correspondance des dernières années, ces déclamations furibondes contre le prêtre qui éclataient à tout propos et hors de propos, vingt ans auparavant, dans ses romans et dans ses lettres. Quant à ses convictions philosophiques, elle les défend avec une obstination indomptable et méritoire contre l'intolérance à rebours du matérialisme qui se prétend scientifique. Elle ne supporte pas qu'on lui dise : «Croyez cela avec moi, sous peine de rester avec les hommes du passé, détruisons pour prouver, abattons tout pour reconstruire». Elle répond : «Bornez-vous à prouver et ne nous commandez rien». Ce n'est pas le rôle de la science d'abattre à coups de colère et à l'aide des passions... Vous dites : «Il faut que la foi brûle et tue la science, ou que la science chasse et dissipe la foi». Cette mutuelle extermination ne me paraît pas le fait d'une bataille, ni l'oeuvre d'une génération. La liberté y périrait [Lettre à M. Louis Viardot, 10 juin 1868.].» Elle ne voit pas la nécessité de forcer son entendement pour en chasser de nobles idées, et de détruire en soi certaines facultés pour faire pièce aux dévots. «Il n'est pas nécessaire, il n'est pas utile de tant affirmer le néant, dont nous ne savons rien. Il me semble qu'en ce moment on va trop loin, dans l'affirmation d'un réalisme étroit et un peu grossier, dans la science comme dans l'art.»
    On le voit, elle s'est graduellement affranchie des jougs de coterie qui ont pesé sur elle si durement, et de l'influence excessive de certains personnages qui l'ont presque dépossédée d'elle-même. Elle se retrouve et se ressaisit avec ses convictions et aussi ses chimères mais du moins avec celles qui sont bien à elle et qui constituent son moi. Elle remonte à un niveau d'où sa passion et surtout celle
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher