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George Sand

George Sand

Titel: George Sand
Autoren: Elme Caro
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mon souvenir et à me tromper le moins que je peux.» Elle avait une manière à elle de regarder la nature, silencieusement. Mais ce silence était actif ; elle absorbait chaque détail présent devant ses yeux, et l'emportait vivant dans sa vision interne, aussi nette que la perception même. De là le charme et la vérité de ses paysages. Même quand on ne les a pas vus dans la réalité, on s'écrie devant eux, involontairement, comme devant le portrait d'un grand maître, quand on ne connaît pas l'original : «C'est bien cela !» L'art seul vous fait croire à la ressemblance.
D'autres racines, plus profondes encore, c'étaient celles qui l'attachaient, depuis les premières années de sa jeunesse, à tout un ensemble d'idées philosophiques, politiques et religieuses [Ce qu'elle souffrait le moins, c'était l'opinion de certains critiques légers qui disent «qu'on n'a pas besoin d'une croyance à soi pour écrire, et qu'il suffit de réfléchir les faits et les figures comme un miroir...
    Non, ce n'est pas vrai, le lecteur ne s'attache qu'à l'écrivain, qu'à une individualité, qu'elle lui plaise ou qu'elle le choque. Il sent qu'il a affaire à une personne et non à un instrument.» (1er mars 1803, Correspondance inédite, citée plus haut.)]. Elles s'étaient enfoncées de bonne heure dans cette âme ouverte et avide ; elles s'y étaient, de bonne heure aussi, exagérées et faussées ; à la longue, pourtant, quelques-unes s'étaient redressées d'elles-mêmes par la force naturelle d'un bon esprit ; d'autres s'étaient assouplies, dans leur rigidité primitive, à la rude école de la vie. Plutôt que d'insister encore une fois sur les aberrations de goût et de bon sens qui l'avaient désignée autrefois aux inquiétudes de la conscience publique, ou même à des haines et à des vengeances terribles venues de deux côtés bien différents de l'opinion, du côté de Proudhon et du côte de Louis Veuillot, mieux vaudrait montrer George Sand dans la dernière période de sa vie, la représenter non pas comme une convertie à la modération, ni comme le transfuge de ses idées, mais s'appliquant, avec une bonne foi méritoire, à les modifier dans une mesure plus acceptable pour elle-même et à reconquérir, au moins sur certains points, la liberté de son moi et son indépendance d'esprit.
Certes il reste bien toujours en elle, soit en politique, soit en philosophie, une part suffisante d'exagération et de paradoxes. Mais comme il y a loin déjà—par l'intervalle du temps et des idées—de la révoltée d'autrefois ! Depuis l'expérience de la guerre et de la Commune, ce n'est qu'à des traits assez rares, clairsemés dans la correspondance, que l'on reconnaîtrait l'ancienne amie de Mazzini et d'Armand Barbès, l'utopiste des réformes sur la condition des femmes et le mariage, la disciple enthousiaste et fougueuse de l'Évangile de Pierre Leroux, la sectaire du Christianisme réformé par le panthéisme sombre de Lamennais, plus tard l'ardente révolutionnaire de 1848, la collaboratrice de Ledru-Rollin, le menaçant rédacteur des Bulletins de la République émanés du ministère de l'Intérieur.
    Tant d'événements n'ont pas été perdus pour elle, ni en politique, ni en philosophie sociale. Nous n'en voulons ici donner que quelques preuves. Je ne les veux même pas tirer de ce fameux Journal d'un Voyageur pendant la guerre, que la Revue des Deux Mondes publia avec tant de succès, au grand scandale de quelques lecteurs, mais de la Correspondance elle-même, un témoin qui ne peut pas mentir. Le 28 avril 1871 elle écrivait à Flaubert : «L'expérience que Paris essaye ou subit ne prouve rien contre les lois du progrès, et si j'ai quelques principes acquis dans l'esprit, bons ou mauvais, ils n'en sont ni ébranlés ni modifiés. Il y a longtemps que j'ai accepté la patience, comme on accepte le temps qu'il fait, la durée de l'hiver, la vieillesse, l'insuccès sous toutes ses formes. Mais je crois que les gens de parti (sincères) doivent changer leurs formules ou s'apercevoir peut-être du vide de toute formule a priori.» Et à Mme Adam, le 15 juin de la même année : «Pleurons des larmes de sang sur nos illusions et nos erreurs... Nos principes peuvent et doivent rester les mêmes ; mais l'application s'éloigne, et il peut se faire que nous soyons condamnés à vouloir ce que nous ne voudrions pas.»
Quoi qu'elle en dise, les principes eux-mêmes s'étaient, non pas
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