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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis
Autoren: Albert le Roy
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comme Polichinelle aux heures rares où il se repose. Il me disait ce matin : «Dis à Flaubert de venir, je me mettrai en récréation tout de suite, je lui jouerai les marionnettes, je le forcerai à rire.»
    Et, dans une autre lettre au même Flaubert, George Sand finit par cette formule de salutation : «J'embrasse les deux gros diamants qui t'ornent la trompette.» Elle le blâmait un peu d'être inapaisé et inquiet, impatient de perfection et d'immortalité. «Je n'ai pas monté aussi haut que toi, dit-elle, dans mon ambition. Tu veux écrire pour les temps. Moi, je crois que dans cinquante ans je serai parfaitement oubliée et peut-être méconnue. C'est la loi des choses qui ne sont pas de premier ordre, et je ne me suis jamais crue de premier ordre. Mon idée a été plutôt d'agir sur mes contemporains, ne fût-ce que sur quelques-uns, et de leur faire partager mon idéal de douceur et de poésie.» Elle se tient très consciencieusement au courant du mouvement littéraire. Le mois qui précède sa mort, elle lit des volumes de Renan, d'Alphonse Daudet ; elle projette d'écrire un feuilleton sur les romans de M. Emile Zola, et il eût été fort digne d'intérêt d'avoir le jugement de cette idéaliste impénitente sur le propagateur du naturalisme. En voici l'esquisse dans une lettre à Flaubert, du 25 mars 1876 : «La chose dont je ne me dédirai pas, tout en faisant la critique philosophique du procédé, c'est que Rougon est un livre de grande valeur, un livre fort, comme tu dis, et digne d'être placé au premier rang.»
    Le 28 mai 1876, George Sand adressa au docteur Henri Favre, à Paris, la dernière lettre qu'on ait recueillie. Elle lui promettait de suivre toutes ses prescriptions, et ajoutait : «L'état général n'est pas détérioré, et, malgré l'âge (soixante et douze ans bientôt), je ne sens pas les atteintes de la sénilité. Les jambes sont bonnes, la vue est meilleure qu'elle n'a été depuis vingt ans, le sommeil est calme, les mains sont aussi sûres et aussi adroites que dans la jeunesse...
    Mais, une partie des fonctions de la vie étant presque absolument supprimées, je me demande où je vais, et s'il ne faut pas m'attendre à un départ subit, un de ces matins.» Deux jours plus tard, George Sand s'alitait pour ne plus se relever. Elle souffrait, depuis plusieurs années, d'une maladie chronique de l'intestin, dont l'évolution avait été lente. Son tempérament robuste lui permit de résister longtemps. A soixante-huit ans, elle se plongeait tous les jours dans l'Indre, sous sa cascade glacée. Elle avait d'ailleurs des moments de cruelle douleur, des crampes d'estomac «à en devenir bleue» qui l'obligeaient à s'étendre sur son lit, à interrompre tout travail, toute lecture. Mais, écrivait-elle à Flaubert au sortir d'une de ces crises, le 25 mars 1876, je pense toujours à ce que me disait mon vieux curé quand il avait la goutte : Ça passera ou je passerai. Et là-dessus il riait, content de son mot.» En huit jours, du 30 mai au 8 juin, la paralysie de l'intestin accomplit son oeuvre, en dépit ou à la suite d'une opération faite par le docteur Péan. George Sand mourut, entourée de tous les siens. Elle eut les funérailles qui convenaient à sa gloire et à sa simplicité, le concours de l'élite intellectuelle, Alexandre Dumas fils, Ernest Renan, Gustave Flaubert, Paul Meurice, le prince Napoléon, et l'affluence de tous les villages environnants. Victor Hugo envoya par le télégraphe un suprême adieu qui débutait ainsi : «Je pleure une morte et je salue une immortelle», et qui se terminait par cette affirmation spiritualiste : «Est-ce que nous l'avons perdue ? Non. Ces hautes figures disparaissent, mais ne s'évanouissent pas. Loin de là, on pourrait presque dire qu'elles se réalisent. En devenant invisibles sous une forme, elles deviennent visibles sous l'autre, transfiguration sublime !» Alexandre Dumas fils, tout en larmes, n'eut pas la force de prononcer le discours qu'il avait composé durant la nuit.
    Devant cette tombe, les lettres françaises étaient en deuil : un génie lumineux venait de nous être ravi. Mais surtout les paysans sanglotaient : ils avaient perdu leur bienfaitrice, leur amie, la bonne dame de Nohant. Cet hommage des humbles, plus encore que les louanges officielles, honorait la mémoire et pouvait toucher l'âme tendre, sentimentale et fraternelle de George Sand.
    FIN
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