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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis
Autoren: Albert le Roy
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faire acte de réaction littéraire et de s'associer au mouvement néo-classique de l'école du bon sens, qui se manifestait avec Lucrèce et Agnès de Méranie, de Ponsard, avec la Ciguë et Gabrielle, d'Emile Augier. Elle définit François le Champi une pastorale romantique.
    Par la doctrine non moins que par le style, le théâtre champêtre de George Sand rappelle l'enseignement moral et social de Jean-Jacques, le grand ancêtre. Elle invoque et même elle «prend à deux mains ce pauvre coeur que Dieu a fait tendre et faible, que les discordes civiles rendent amer et défiant.» N'entendez-vous pas l'écho de l'Emile, quand un de ces paysans s'écrie avec la naïveté berrichonne : «Mon Dieu, je suis pourtant bon ; d'où vient donc que je suis méchant ?»
    Le socialisme humanitaire de 1840 a touché l'auteur et ses personnages. Il est question des vertus du peuple, de l'éducation du coeur, du bon grain qui germe dans la bonne terre. George Sand ajoute avec attendrissement : «Il n'y a pas de mauvaise terre, les agriculteurs vous le disent ; il y a des ronces et des pierres : ôtez-les ; il y a des oiseaux qui dévorent la semence, préservez la semence. Veillez à l'éclosion du germe, et croyez bien que Dieu n'a rien fait qui soit condamné à nuire et à périr.» Telle est la poétique qui inspire les deux pièces champêtres de George Sand. Il s'y rencontre des maximes sociales, celle-ci notamment : «Vous m'avez fait apprendre à lire, ce qui est la clef de tout pour un paysan.»
    Et c'est aussi la réhabilitation des naissances illégitimes, thèse qu'Alexandre Dumas fils reprendra dans le Fils naturel. François le Champi, l'enfant de l'hospice, trouvé dans les champs, abandonné de père et de mère, sera le parfait exemplaire du dévouement et du sacrifice, encore que bien étranges nous apparaissent, à la scène et surtout dans le roman, ses sentiments pour Madeleine Blanchet qui l'a recueilli et élevé. Mais il est issu de l'imagination, semi-maternelle, semi-passionnée, de George Sand. C'est un petit cousin rural de l'Alfred de Musset que nous avons entrevu à Venise dans une atmosphère de sollicitude et de duperie, à travers les dissertations pathétiques et les paysages chaudement colorés des Lettres d'un Voyageur.
    Plus dramatique et moins exceptionnelle que François le Champi est l'intrigue de Claudie. Cette jeune fille de vingt et un ans, qui travaille comme un moissonneur de profession, aux côtés de son grand-père octogénaire, a une noblesse et une vérité que Léopold Robert ne sut pas imprimer aux personnages de son tableau fameux, solennellement romantique. Et la physionomie de l'aïeul revêt un caractère de majesté qui domine la pièce et émeut le spectateur. Nos sympathies conspirent avec celles de George Sand, pour que Claudie n'expie pas trop sévèrement l'erreur de ses quinze ans abusés et pour qu'après la tromperie de Denis Ronciat elle trouve chez Sylvain Fauveau les joies du foyer domestique. C'est, dans un milieu paysan, un sujet analogue à celui qu'Alexandre Dumas fils, avec les Idées de Madame Aubray, placera en bonne bourgeoisie. L'infortune de Claudie sera celle de Denise.
    Pour fêter la gerbaude, George Sand a mis dans la bouche du père Rémy un couplet de superbe prose, élégante et rythmée : «Gerbe ! gerbe de blé, si tu pouvais parler ! si tu pouvais dire combien il t'a fallu de gouttes de notre sueur pour t'arroser, pour te lier l'an passé, pour séparer ton grain de ta paille avec le fléau, pour te préserver tout l'hiver, pour te remettre en terre au printemps, pour te faire un lit au tranchant de l'arrau, pour te recouvrir, te fumer, te herser, t'héserber, et enfin pour te moissonner et te lier encore, et pour te rapporter ici, où de nouvelles peines vont recommencer pour ceux qui travaillent... Gerbe de blé ! tu fais blanchir et tomber les cheveux, tu courbes les reins, tu uses les genoux. Le pauvre monde travaille quatre-vingts ans pour obtenir à titre de récompense une gerbe qui lui servira peut-être d'oreiller pour mourir et rendre à Dieu sa pauvre âme fatiguée.»
    Tout ce morceau, où s'épanouit la gloire de la terre restituant au laboureur le fruit de ses peines opiniâtres, évoque le souvenir de l'antique Cybèle, l'oeuvre mystérieuse de Cérés. On dirait d'un épisode des Géorgiques, illustré par le romantisme et transformé en symbole.
    C'est un sujet analogue que George Sand traite dans le Pressoir
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