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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis
Autoren: Albert le Roy
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qui le théâtre avait été un délassement, composait le roman périodique, à peu près bi-annuel, qu'elle s'était engagée à fournir à Buloz pour la Revue des Deux Mondes. Alors même que le mérite littéraire fléchissait, elle avait conservé une clientèle indéfectible, et, parmi l'abondance de sa production automnale, de temps à autre apparaissait encore une oeuvre où l'on retrouvait le charme de ses débuts et l'éclat de sa maturité. Ce fut le cas de Malgrétout, paru en mars 1870, et qui obtint un gros succès d'allusion malicieuse. Le récit des amours de Miss Sarah Owen pour le violoniste Abel, virtuose de l'archet, reprenait un thème maintes fois traité par George Sand ; mais la rivale de la jeune fille était une certaine Carmen d'Ortosa, en qui l'on voulut voir le portrait de l'impératrice Eugénie, au temps où avec sa mère, madame de Montijo, elle fréquentait les villes d'eaux et les plages à la mode, en quête de quelque épouseur. L'auteur de Malgrétout se défendit énergiquement d'avoir eu une telle pensée et de spéculer sur le scandale. Le 19 mars 1870, elle écrivit à Gustave Flaubert : «Je sais, mon ami, que tu lui es très dévoué. Je sais qu'Elle est très bonne pour les malheureux qu'on lui recommande ; voilà tout ce que je sais de sa vie privée. Je n'ai jamais eu ni révélation ni document sur son compte, pas un mot, pas un fait, qui m'eût autorisée à la peindre. Je n'ai donc tracé qu'une figure de fantaisie, je le jure, et ceux qui prétendraient la reconnaître dans une satire quelconque seraient, en tous cas, de mauvais serviteurs et de mauvais amis. Moi, je ne fais pas de satires ; j'ignore même ce que c'est. Je ne fais pas non plus de portraits : ce n'est pas mon état.
    J'invente. Le public, qui ne sait pas en quoi consiste l'invention, veut voir partout des modèles. Il se trompe et rabaisse l'art. Voilà ma réponse sincère !» Cette lettre fut communiquée par les soins de Flaubert à madame Cornu, filleule de la reine Hortense et sœur de lait de Napoléon III. George Sand revient sur ce sujet, eu s'adressant, le 3 juillet, d'abord à Emile de Girardin, puis au docteur Henri Favre. Elle atteste qu'on lui fait injure, dans certaine presse, en assimilant la tâche de l'artiste à celle du pamphlétaire honteux. «Si j'avais voulu, dit-elle, peindre une figure historique, je l'aurais nommée. Ne la nommant pas, je n'ai pas voulu la désigner ; ne la connaissant pas, je n'aurais pu la peindre. S'il y a ressemblance fortuite, je l'ignore, mais je ne le crois pas.» Quelle était donc cette Carmen d'Ortosa, personnage épisodique de Malgrétout, qui soulevait une ardente controverse ? Voici le portrait de l'aventurière, tracé par elle-même : «Je suis la fille d'une très grande dame. Le comte d'Ortosa, époux de ma mère, était vieux et délabré ; il lui avait procuré des fils rachitiques qui n'ont pas vécu. Ma mère, en traversant certaines montagnes, fut enlevée par un chef de brigands fort célèbre chez nous. Il était jeune, beau, bien né et plein de courtoisie. Il lui rendit sa liberté sans conditions, en lui donnant un sauf-conduit pour qu'elle pût circuler à l'avenir dans toutes les provinces où il avait des partisans, car c'était une manière d'homme politique à la façon de chez nous. Voilà ce que racontait ma mère. Je vins au monde à une date qui correspond à cette aventure. Ma ressemblance avec le brigand est une autre circonstance bizarre que personne n'a prétendu expliquer. Le comte d'Ortosa prétendit bien que je ne pouvais pas appartenir à sa famille ; mais il mourut subitement, et je vécus riche d'un beau sang dont je remercie celui qui me l'a donné.
    Je fus élevée à Madrid, à Paris, à Londres, à Naples, à Vienne, c'est-à-dire pas élevée du tout. Ma mère, belle et charmante, ne m'a jamais appris que l'art de bien porter la mantille et le jeu non moins important de l'éventail. Mes filles de chambre m'ont enseigné la jota aragonese et nos autres danses nationales, qui ont été pour moi de grands éléments de santé à domicile et de précoces succès dans le monde... Je vis les amours de ma mère ; elle ne s'en cachait pas beaucoup, et j'étais curieuse. J'en parle parce qu'ils sont à sa louange, comme vous devez l'entendre. Elle était plus tendre qu'ambitieuse, plus spontanée que prévoyante. Sa jeunesse se passa dans des ivresses toujours suivies de larmes. Elle était bonne et pleurait
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