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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
Autoren: Patrick Girard
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des
barriques de viande salée après avoir constaté qu’elle avait commencé à
pourrir. Quand Paolo Ferrante, le boucher, avait protesté en affirmant que tous
appréciaient ses produits, il l’avait sèchement rebuté :
    — À la bonne heure ! Ainsi, tu es assuré d’écouler
cette carne grouillante d’asticots. Pour moi, il n’est pas question que je te
l’achète. L’équipage n’en voudrait pas. J’ai des ordres précis. Nous ne
relâcherons pas avant notre arrivée à Gênes. Depuis que les Turcs contrôlent
l’ensemble des ports, il ne fait pas bon s’y arrêter. Leurs gouverneurs sont
d’abominables canailles qui prélèvent des taxes inouïes pour remplir leurs
coffres d’or et qui entendent nous dépouiller de la sorte. À la manière dont tu
te comportes avec moi, je me demande si tu n’as pas coiffé le turban !
    — Tu prends la mouche pour une peccadille. Ai-je jamais
protesté quand ton père me vendait une aigre piquette qu’il osait appeler
vin ? Je cachais ma grimace, pour la forme, mais mon gosier s’en
plaignait. Je gruge qui je veux pourvu que cela me rapporte un peu d’argent. Je
n’ai pas l’intention de finir mes jours ici, à Chio. De toute manière, il est
douteux que les Turcs nous tolèrent encore longtemps.
    — Je suppose qu’ils y trouvent leur intérêt. La place
est à peine défendue par quelques hommes d’armes incapables de s’opposer à une
invasion.
    — Ils ont leurs espions dans l’île. Pour le moment, ils
se montrent conciliants car ils veulent que nous cessions de fréquenter
Alexandrie ou Beyrouth qui sont aux mains du Soudan de Babylone [1] . C’est par l’Égypte que nous viennent
les épices et la soie de l’Orient, même si quelques caravanes empruntent
l’ancienne route terrestre jusqu’à Brousse où nous avons le droit de nous
rendre pour faire nos achats. Voilà pourquoi ils nous tolèrent ici et n’osent pas
trop nous pressurer. Le jour où ils s’empareront de l’Égypte, les choses iront
tout autrement. Nous serons à leur entière merci.
    Le commis posa son écritoire. Son interlocuteur paraissait
sacrément bien informé. Même s’il était un gredin de la pire espèce, il pouvait
lui fournir de précieux renseignements. Après tout, ils se connaissaient depuis
longtemps, l’homme était le père d’un de ses compagnons de jeux à Mocònesi,
Gianni, un « chevalier de Jérusalem ». Mieux valait donc faire la
paix avec lui, provisoirement du moins, afin de lui tirer les vers du
nez :
    — Tu parles des Turcs comme si tu les connaissais bien.
    — Je baragouine leur jargon. L’un d’entre eux m’a jadis
rendu un fieffé service quand je suis arrivé ici après avoir quitté Mocònesi.
Il m’a accompagné jusqu’à Jérusalem où j’avais fait vœu de me rendre en
pèlerinage.
    — Tu avais mauvaise conscience après avoir empoisonné
un équipage avec ta viande !
    — Détrompe-toi, c’était pour une faute plus grave qui
explique mon départ de nos montagnes. J’avais tué un homme. Nous nous étions
querellés à propos d’une catin et il avait sorti son couteau. J’ai retourné son
arme contre lui et il en est mort. Je me suis confessé ensuite et le brave
curé, qui fut ton maître et celui de mon fils, m’a infligé cette pénitence.
Enfin, pénitence, c’est un bien grand mot. Quel Chrétien ne serait pas heureux
de marcher dans les pas de Notre-Seigneur et de Ses apôtres ? J’ai vu Son
tombeau qui est gardé par des franciscains. Ils déploient un grand zèle à
réconforter les pèlerins auxquels les Mamelouks n’épargnent aucune avanie. Gare
à celui qui transgresse leur loi ! Mon compagnon, parce que mahométan,
avait le droit de monter à cheval alors que je devais me contenter d’une
mauvaise mule. À l’entrée de Jérusalem, l’un de ces maudits païens m’a jeté à
terre car j’avais commis l’erreur de nouer un turban autour de ma tête pour me
protéger du soleil. C’est, paraît-il, un crime énorme à leurs yeux. J’ai mordu
la poussière en remerciant Dieu qu’il se soit contenté de ce geste. Voilà ce
que les Chrétiens endurent dans ces contrées. Crois-moi, ce sera grande liesse
quand l’un de nos princes délivrera la sainte cité de David.
    — Ce pourrait être le fameux Prêtre Jean dont j’ai
entendu parler. Il possède une armée très puissante…
    — Stupidités que tout cela. J’ai vu à Jérusalem
certains de ses sujets, des moines, à la face
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