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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
Autoren: Patrick Girard
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école ouverte par le curé
de Mocònesi. Celui-ci compensait la modicité de ses ressources – ses fidèles
y regardaient à deux fois avant de faire dire une messe pour leurs morts –
en apprenant à leurs gamins, moyennant quelques œufs, fromages et jambons, les
rudiments de la lecture et de l’écriture. À grands coups de taloches, il leur
faisait dessiner sur le sol les lettres de l’alphabet. Quand il en avait assez,
il regroupait la marmaille autour de la cheminée et lui racontait les vies des
saints du calendrier. Gare à celui qui osait mettre en doute les miracles qu’il
énumérait. Parfois, il évoquait, les larmes aux yeux, la chute de Jérusalem,
perdue par les croisés à cause de leurs innombrables péchés. Ses paroles
étaient si convaincantes qu’elles avaient suscité l’enthousiasme de certains de
ses élèves, Cristoforo en tête, qui s’étaient proclamés membres d’une confrérie
secrète, les chevaliers de Jérusalem. Entre eux, ils s’étaient juré une amitié
éternelle et avaient promis de consacrer leur vie à la délivrance du
Saint-Sépulcre. Loin des oreilles indiscrètes, ils se donnaient ce qu’ils
affirmaient être leurs vrais noms : comte de Joppe, marquis de Caïffa, duc
du Mont Thabor, baron de Bethléem, vicomte de Hébron.
    Ils se retrouvaient le soir, à la sortie du village, pour
mimer d’épiques combats entre Chrétiens et Maures. Il y avait là, entre autres,
Michele da Cuneo, Leonardo de Esberraya, Gianni Ferrante et Giuseppe Mariani.
Leurs adversaires étaient les gamins de Fontana Rossa qu’ils traitaient de
vilains Maures et d’abominables Sarrasins, au grand étonnement de ceux-ci. Les
blessures qu’ils rapportaient de ces échauffourées étaient comme autant de
preuves de leur vaillance et de leur détermination. Ils ne doutaient pas un
seul instant que leur rêve s’accomplirait.
    Car ils avaient retenu la principale leçon du vieux curé de
Mocònesi. Sous peu, disait-il, les armées du Prêtre Jean, un puissant roi
chrétien qui vivait au-delà des déserts de l’Arabie, viendraient délivrer le
Tombeau du Christ. Peut-être étaient-elles déjà en marche. Il ne leur faudrait
guère plus de quelques mois pour parvenir jusqu’au Jourdain et entrer, à la
suite d’Aaron et des Hébreux, en Terre sainte. Chacun savait que le monde était
petit et que nul ne pouvait vivre en dessous de la zone torride. Le royaume du
Prêtre Jean ne pouvait être très loin.
    Pour asseoir ses dires, le curé de Mocònesi leur avait cité
un texte écrit par un prélat espagnol, Paul Orose. Comment en avait-il eu
connaissance, lui qui n’était descendu qu’une dizaine de fois dans sa vie à
Gênes ? Peut-être un voyageur de passage dans le hameau lui avait-il lu un
manuscrit en sa possession et l’avait autorisé à en recopier quelques lignes.
C’est en tous les cas d’une voix assurée qu’il énonçait ces mots :
« Une bien plus grande quantité de terre demeure inculte et inexplorée en
Afrique, à cause de la chaleur du soleil, qu’en Europe. Cela est dû à
l’intensité du froid, car il ne fait aucun doute que presque tous les animaux
et presque toutes les plantes s’adaptent plus volontiers et plus aisément au
grand froid qu’à la grande chaleur. Il est une raison évidente qui fait que
l’Afrique, par ses contours comme par sa population, apparaît petite à tous
égards. Comparé à l’Europe ou à l’Asie : de par sa situation naturelle, ce
continent dispose de moins d’espace et, de par son mauvais climat, il compte
davantage de terres désertiques. »
    Europe, Asie, Afrique, ces noms avaient plu à Cristoforo,
même s’il ne parvenait pas à réaliser ce qu’ils signifiaient. Ils désignaient
des terres lointaines, encore plus éloignées de Mocònesi que Salerne ou Rome.
    Quand il avait rapporté les propos du curé à Antonio, ce
dernier avait pouffé de rire :
    — Ton maître est un fieffé imbécile. Que peut-il
connaître de l’Afrique et de la zone torride ? C’est à peine s’il sait
trouver son chemin jusqu’à Fontana Rossa.
    Sous le sceau du secret, dont il savait qu’il serait vite
éventé, Antonio avait expliqué aux gamins qu’il était né en Afrique dans une
cité nommée Sijilmassa, située à l’orée du désert. Il était Maure de religion
et de nation. Devenu très tôt orphelin, il avait gagné sa vie en accompagnant comme
aide chamelier les caravanes qui se dirigeaient vers Tombouctou,
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