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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
Autoren: Patrick Girard
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1
Meurtre à la porte dell’Olivella
    Il faisait encore distinctement jour. Pourtant, chacun se
pressait pour arriver à temps. Quand maître Domenico Colomb était de
service – comme cette semaine-là –, il se montrait sans pitié pour
les retardataires. Sitôt la herse baissée, il n’ouvrait la porte à personne,
sous aucun prétexte, insensible aux supplications des uns ou aux flatteries des
autres. Les jardiniers du Bisagno se souvenaient encore de la mésaventure
survenue à Pierino Fregoso, quelques années avant qu’il ne succède à son père
au titre de doge. Il s’était attardé auprès d’une lavandière à la poitrine
généreuse et quand il s’était présenté avec ses amis à l’entrée de la cité, il
s’en était vu refuser l’accès. Il avait eu beau tempêter, jurer, menacer, rien
n’avait entamé la détermination du « cerbère de la muraille », comme
il l’avait dédaigneusement surnommé. Eût-il été l’un des Rois mages ou
Notre-Seigneur Jésus-Christ en personne, il n’aurait pas eu droit à un
traitement de faveur.
    Ainsi donc, avec ses compagnons, avait-il été contraint de
passer la nuit à l’auberge de la Louve borgne que Domenico possédait en dehors
de l’enceinte, vidant pichet de vin sur pichet de vin.
    Été comme hiver, dès que le soleil commençait à décliner à
l’horizon, la ville se renfermait derrière ses remparts. Ceux-ci avaient été
édifiés pour la protéger contre les attaques surprises des brigands à la solde
des seigneurs de Lavagna. Ces véritables bêtes fauves n’hésitaient pas à
surprendre les voyageurs et les pèlerins lorsqu’ils s’approchaient de la cité
et relâchaient leur vigilance. À plusieurs reprises, ils avaient traqué leur
« gibier » jusque devant le portail du couvent de San Stefano, tandis
que les nobles s’enfermaient dans les hautes tours crénelées qu’ils avaient
édifiées au cœur même de Gênes.
    Lassé de ces exactions, le petit peuple avait exigé qu’on
répare la vieille enceinte érigée des siècles plus tôt, et que l’on confie la
garde de ses portes à des hommes issus de ses rangs. La mesure avait porté ses
fruits. Les Fieschi, qui semaient jadis la terreur, étaient descendus de leur
repaire montagneux pour venir s’installer en ville. Ils avaient mis fin à leurs
rapines, jugeant plus rentable de profiter de la prospérité du port. La paix
était revenue mais les vieilles habitudes demeuraient. Dès que la nuit tombait,
la peur taraudait le cœur des hommes. Les campagnes environnantes devenaient
pour eux le théâtre d’étranges événements. Sorciers et sorcières profitaient de
l’obscurité pour tenir leurs sabbats tandis que les loups affamés erraient à la
recherche de nourriture. Il y avait de cela quelques semaines, l’on avait
retrouvé, le long des rives escarpées du Bisagno, les cadavres de deux bergers
déchiquetés par les terribles mâchoires des carnassiers. Ils avaient été
inhumés à la sauvette. Domenico se souvenait encore du cri rauque poussé par
leur mère lorsque les corps avaient été descendus dans la fosse creusée à la
hâte : une plainte déchirante, inhumaine, qui semblait faire écho aux
hurlements des bêtes sauvages.
    C’est pour se protéger que la ville, chaque soir, se
claquemurait et confiait sa sauvegarde aux archers du guet qui veillaient à ce
que nul n’entre ou ne sorte de l’enceinte. Bien à l’abri, les habitants
vaquaient à leurs occupations habituelles. Les femmes s’affairaient devant
leurs fourneaux. Les hommes se rendaient à la taverne la plus proche pour
commenter les dernières nouvelles : l’arrivée d’une caraque en provenance
de Chio ou de Caïffa et la prochaine vente d’un lot d’esclaves achetés à
Constantinople. Loin du regard de leurs parents, des cortèges d’enfants rieurs
dévalaient les ruelles en pente, chapardant çà et là un fruit ou renversant des
étals de marchandises.
     
    C’étaient là autant de scènes que ne verraient pas, ce soir
du moins, les deux cavaliers qui se frayaient un chemin dans la demi-pénombre,
à faible distance de la cité. L’un d’entre eux n’était assurément pas un
étranger. Instinctivement, comme s’il savait qu’on lui refuserait l’ouverture
de la porte, il s’était dirigé vers l’auberge de la Louve borgne, confiant sa
monture à un gamin pour qu’il la conduise à l’écurie. Avec son compagnon, dont
le visage était dissimulé
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