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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup
Autoren: Armand Cabasson
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Lefine, qui se tenait à un pas de Margont, lui criait quelque chose. Mais Margont n’entendait que les hurlements de rage ou de douleur et le crépitement des détonations qui lui martelait les tympans.
    — Qu’est-ce que tu dis ?
    — ... perdue !
    Margont pouvait compléter la phrase. Les Français refluèrent en désordre, talonnés par les Autrichiens. Chaque maison avait été transformée en bastion et, depuis les fenêtres, on canardait les assaillants. L’église et son mur d’enceinte tenaient lieu de forteresse. Les pans de murs et les décombres des habitations détruites par l’artillerie se garnissaient de défenseurs. On se retranchait même derrière les pierres tombales du cimetière, les tas de fumier... Un caporal s’effondra devant Margont.
    — Ces idiots tuent autant des nôtres que d’Autrichiens !
    Il agrippa Lefine par une manche et frappa vivement à la porte d’une bâtisse en pierre.
    — France ! France ! s’époumonait-il, tapant à s’en briser le poing.
    Ils ne pouvaient plus reculer : la masse des soldats en train de se replier s’étranglait dans les ruelles. Un fourmillement bleu sombre paniqué sur lequel pleuvaient les balles. Le lieutenant Saber arriva au pas de course, força le passage, enjamba une fenêtre et se faufila au milieu du foisonnement des fusils pointés sur l’ennemi. Un instant plus tard, il ouvrait la porte à ses amis.
    — Si je n’étais pas là...
    Margont le bouscula pour se mettre à couvert avant d’être heurté lui-même par Lefine et des soldats effarés.
    Les Autrichiens ralentirent, puis s’immobilisèrent. La résistance acharnée des Français cassait leur élan. Margont grimpa à l’étage. Il se fraya un chemin parmi les blessés et les tireurs pour gagner une lucarne. Chaque fenêtre de la rue était hérissée de fusils qui écrasaient les Autrichiens sous leur feu. Gagnait-on ? Perdait-on ? La situation était de plus en plus confuse. Sous les yeux de Margont, la maison d’en face s’effondra d’un bloc avec sa foule de défenseurs. On ne voyait plus d’elle que des flammes dansantes et des fumées noires tourbillonnantes parsemées d’étincelles orangées. L’aide de camp avec lequel il s’était entretenu revenait au galop, mais son cheval s’envola en deux morceaux dans un bruit d’explosion. Cette vision le pétrifia.
    — Ils font tout sauter ! clama une voix.
    Les Autrichiens avaient installé leurs canons dans la partie d’Aspern qu’ils contrôlaient et bombardaient les Français à bout portant. Ces derniers, décimés et découragés, se replièrent tandis que les maisons s’écroulaient sur eux. À la seconde même où Napoléon apprit la perte d’Aspern, il ordonna sa reprise immédiate. Si Aspern tombait, les plaines du centre deviendraient indéfendables. Il ne resterait plus que le village d’Essling qui se retrouverait encerclé et donc perdu. La ligne défensive française était pareille à un alignement de dominos. La chute d’un seul entraînerait irrémédiablement l’effondrement en série de tous les autres. C’était tout ou rien, Aspern-plaines-Essling ou le fin fond du Danube.
    Margont pressait le pas vers l’arrière, tentant de remettre de l’ordre dans la cohue des rescapés. Personne ne comprenait la situation excepté les très hauts gradés – et encore... Il voyait s’agiter des troupes françaises au sud du village. Lesquelles et pour quoi faire, il n’en avait pas la moindre idée. Les lignes bleues se déployaient dans les champs et les prés comme à l’entraînement. On n’allait quand même pas donner une nouvelle fois l’assaut à ce tas de cailloux et de braises ? Des officiers faisaient signe aux survivants d’Aspern d’accélérer leur retraite.
    — C’est ça, pressons-nous, pesta Lefme. On ne fait pas attendre la mort, c’est inconvenant.
    Ils eurent à peine le temps de former une ligne de bataille. Un général – Molitor ? non, un autre général que Margont ne connaissait pas – dégaina son sabre et le pointa sur le clocher d’Aspern qui tenait toujours debout, criblé d’impacts de boulets, la toiture effondrée et fumante, pic dérisoire.
    — En avant !
    Cette contre-attaque, menée par la division Carra Saint-Cyr (qui avait traversé juste avant l’effondrement du pont) et par les restes de la division Legrand, fut efficace. Les Français refoulaient les habits blancs ou les piégeaient dans les maisons éventrées. En
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