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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup
Autoren: Armand Cabasson
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Empire français. Entre autres parce que ce dernier ne respectait pas la notion d’aristocratie par droit du sang et accordait des droits à tous. Chacun de ces deux systèmes, le monarchique et le républicain, voulait éradiquer son rival pour modeler le monde à son image. Or la France se trouvait bien isolée dans ce combat. L’autre république, il fallait aller la chercher à l’autre bout de l’Atlantique, aux États-Unis. À qui confier le pouvoir ? On n’avait guère que deux possibilités. Soit à Napoléon, ce génie militaire qui – même s’il transfigurait, transmutait la république en un « empire d’inspiration républicaine » – défendait une grande partie des acquis de la Révolution à coups de victoires tonitruantes. Soit à des gouvernants – mais lesquels ? – qui ne parviendraient pas à le conserver face aux armées ennemies. Auquel cas on verrait resurgir un roi français extirpé d’on ne savait quel caveau poussiéreux. Un roi que les monarchies européennes s’empresseraient d’asseoir sur un trône à Paris avant de se disputer les ficelles agitant cette marionnette. Margont servait donc l’Empereur parce qu’il n’avait pas d’autre choix. Pour lui, les idées étaient plus puissantes que les hommes. Que l’on marchât en criant « Vive la République ! » (ce qui était son cas) ou « Vive l’Empereur ! », de toute façon, on apportait avec soi les idéaux de la Révolution : liberté, égalité, respect de chacun... Et ces notions ensemençaient les esprits de ceux que l’on combattait. Si la république ne gagnait pas aujourd’hui, elle l’emporterait plus tard. Toute la question étant de savoir quand arriverait enfin ce « plus tard ». Car les guerres se succédaient sans relâche depuis des années...
    — Puisque ta plaie est superficielle, tu pourrais te rendre utile, reprit Brémond. Je pense qu’il y a quelqu’un que tu devrais rencontrer.
    Le médecin-major tendit l’index. Margont ne voyait que des blessés et de la souffrance.
    — Elle est autrichienne, mais elle parle bien français.
    Margont l’aperçut. Elle portait une robe ivoire. Du sang tachait ses pans, tel un ourlet de mort.
    Beaucoup de femmes suivaient l’armée bien que cela fût interdit quand elles n’étaient pas personnellement employées par celle-ci. Cantinières, vivandières, blanchisseuses, jeunes bourgeoises rêvant d’aventures, dames de la bonne société, Autrichiennes amoureuses le temps d’une campagne, prostituées : la détresse de ces heures les rendait toutes égales, toutes semblables. Des sentinelles tentaient de les empêcher de gagner Lobau. Cependant, profitant de la confusion, plusieurs d’entre elles étaient malgré tout parvenues à s’y rendre. Elles cherchaient leur mari ou leur amant parmi les agonisants, tout en priant pour qu’il ne fût pas là, elles tentaient d’avoir des nouvelles, elles offraient de l’eau... En se cantonnant au sud de l’île, là où l’on rassemblait les blessés et les prisonniers, elles se tenaient suffisamment loin des combats pour ne pas risquer d’être exposées. Le front se trouvait en effet à six kilomètres au nord-est, mais demeurait invisible du fait des bois qui couvraient l’île et les abords du Danube. On ne le localisait que grâce au bruit de tonnerre et aux multiples panaches de fumée qui envahissaient le ciel.
    — Elle cherche un adolescent qui a disparu, expliqua Brémond. Dans un chaos pareil, tout le monde se moque de ses questions. Si un officier l’accompagnait, certains soldats se montreraient moins discourtois et ses recherches gagneraient en efficacité.
    — J’y vais.
    Margont se leva en grimaçant ; une créature invisible lui dévorait le flanc. Aider quelqu’un chaque fois que possible coulait de source pour ces deux hommes. Toujours cet esprit humaniste que la réalité n’arrivait pas à écoeurer. Ils ne considéraient pas cette femme comme une ennemie. Leurs adversaires, c’étaient les rois et ceux qui les soutenaient. En fervents républicains, ils voulaient libérer le peuple autrichien du joug monarchique.
    — Mais ménage tes forces ! ajouta Jean-Quenin Brémond. Ne commence pas à gambader sans te soucier de ta blessure.
    Margont hocha docilement la tête.
    — Oui, oui. Les bons médecins voient des mauvais patients partout !
    Tout en marchant vers cette jeune femme, Margont la détaillait sans qu’elle s’en aperçût. Elle possédait
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