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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup
Autoren: Armand Cabasson
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repris ou pratiquement... Et dans les plaines qui les séparaient, on s’entre-tuait comme jamais. Tandis que sur les ponts une fois de plus réparés des soldats affluaient, les barques continuaient leur va-et-vient, si lourdes de blessés que l’eau en affleurait dangereusement le bord. On amena un chef de bataillon du 57 e de ligne et des cuirassiers furieux d’avoir été stoppés en pleine charge.
    — Silence pour le chef de bataillon ! tonna un sergent-major.
    — Oui, écoutons le chef de bataillon ! reprirent en écho des soldats.
    On plaça ce gradé à l’ombre d’un saule et on se tut. Sa cuisse saignait, mais, tout à son auditoire, il ne lui prêtait plus attention.
    — L’Empereur est en train d’enfoncer le centre autrichien ! annonça-t-il vigoureusement.
    Explosion de « Hourra ! » et de « Vive l’Empereur ! ». En fait, ce chef de bataillon, grisé de se voir propulsé sur une tribune, donnait plus d’élan à ses propos que n’en avait l’attaque à laquelle il avait participé. Alors que les blessés de Lobau enterraient déjà l’armée autrichienne, dans la réalité, l’artillerie ennemie dévastait les rangs des assaillants tandis que la cavalerie française, appelée à la rescousse, ne parvenait pas, elle non plus, à emporter la décision. Mais cette tactique extrêmement agressive d’un adversaire pourtant plus faible en nombre ébranla le moral des Autrichiens et obligea ceux-ci à modérer leur fougue, par prudence.
    Margont aperçut le médecin-major Jean-Quenin Brémond, l’un de ses amis d’enfance. Brémond avait des cheveux châtain clair tirant sur le roux et de grands favoris. Il demeurait serein tout en débordant d’énergie. Il désignait les blessés à opérer dans l’heure, apprenait au passage à un aide à mieux serrer les bandages, réquisitionnait les plus valides pour secourir les autres... Son oeil exercé repéra immédiatement Margont. Il pâlit et, en quelques rapides enjambées, vint examiner la blessure.
    — Ce n’est rien.
    Margont poussa un soupir de soulagement.
    — Seulement même ce rien peut faire le lit de la gangrène, ajouta-t-il.
    — Je sais, Jean-Quenin. Je changerai mes bandages quand ils seront sales et je vais me débrouiller pour bien me nounir. As-tu soigné des gens de notre connaissance ?
    — Non. Mais cela ne veut rien dire. Il y a des blessés partout.
    — Et allez, encore ! crièrent plusieurs soldats.
    Le Danube charriait les restes du petit pont. Celui-ci venait de s’effondrer une nouvelle fois. Des pontonniers et des fantassins, emportés par le courant, agitaient vainement les bras. Tandis que les milliers de soldats du 3 e corps d’armée du maréchal Davout se retrouvaient coincés dans l’île, Napoléon fulminait sur la rive est et cherchait partout des renforts pour soutenir son attaque contre le centre autrichien.
    — Cela va de plus en plus mal pour le citoyen empereur, s’inquiéta Brémond.
    Il avait été un révolutionnaire de la première heure et n’avait pas bien accepté le basculement d’une république à un empire, même si cet empire respectait plusieurs des acquis fondamentaux de la Révolution. Le médecin-major appelait donc de temps en temps Napoléon le « citoyen empereur » parce qu’il considérait que tous les citoyens étaient parfaitement égaux. Pour lui, être empereur était un métier comme un autre et le mot « citoyen » importait plus que celui qui le suivait. Rien ne l’agaçait autant que ceux qui employaient ce terme par ironie ou de façon péjorative pour insulter leurs domestiques. On en rencontrait encore régulièrement, de ces républicains sans concessions. S’il avait été colonel (« citoyen colonel »), Napoléon lui aurait probablement confié la garnison d’une ville. Éloignée, la ville. Et petite, la garnison. Mais comme il était médecin, il pouvait à loisir parler aux bandages et aux membres amputés.
    Margont avait un point de vue plus complexe. Âgé de neuf ans en 1789, il s’était immédiatement enflammé pour la Révolution tout en ne comprenant qu’une minuscule partie de ce qui arrivait et en imaginant le reste. Vingt ans plus tard, comme Jean-Quenin, il était humaniste et républicain, mais son opinion sur Napoléon différait. Les monarchies et les empires – autrichiens, prussiens, anglais... – livraient une guerre à mort à la république française et à tout ce qu’elle avait produit, dont cet
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