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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha
Autoren: Marek Halter
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a eu pour toi la clémence d’Allah. Trop de bonté ! Tu te goinfres du mal comme ton épouse Hind s’est goinfrée du foie de mon oncle Hamza !
    Et Ali courut prévenir Abu Bakr.
    Il s’écoula encore une matinée de palabres et de discutailleries avant que ces hommes ne songent au cadavre de l’Envoyé.
     
    Abu Bakr accourut dans la chambre d’Aïcha, épouvanté d’avoir si longtemps attendu. Les autres restèrent dehors. La chaleur était pesante comme une montagne. Ils craignaient la pestilence des morts.
    Abu Bakr s’écria :
    — Comme l’odeur de Muhammad le Messager est suave ! Toi, le plus cher à mon coeur, je voudrais te respirer jusqu’au jugement d’Allah !
     
    On enveloppa la dépouille de notre époux de linges blancs parfumés, et on décida de l’enterrer là où il était mort.
    Ainsi agissait-on, semblait-il, pour les sépultures des prophètes.
     
    Et la fosse fut creusée sous la couche d’Aïcha.
    Et, de cette nuit-là jusqu’à il y a vingt jours, Aïcha, Mère des Croyants, dormit sur la tombe de son bien-aimé.

4.
    Zama’a, ma fille, écris aussi ceci :
    Le mois de mouharram s’achevait et safar commençait. La terre sous la couche d’Aïcha était encore fraîchement retournée quand elle vint me voir :
    — Omm Salama, je sais que tu es amie avec Fatima. Conduis-moi à elle.
    Je lui annonçai que Fatima était malade depuis la mort de son père et qu’elle refusait toute visite.
    — Je le sais. Sa maladie m’attriste. J’en connais la cause. Si tu m’accompagnes, elle nous recevra.
    Aïcha ne se trompait pas. Fatima nous ouvrit la porte de sa demeure. Nous ne la reconnûmes pas. Elle avait vieilli de dix ans et était maigre comme une chèvre, elle qui avait été une si fière guerrière. Ses yeux brillaient de fièvre.
    Aïcha fut impressionnée. Elle voulut parler, fondit en larmes.
    Fatima attendit qu’elle se reprenne.
    — Ô Fatima, ce qui te brise le coeur brise aussi le mien ! dit Aïcha entre deux sanglots.
    Fatima lui répondit :
    — Voilà qui m’est indifférent.
    Aïcha rougit. Par chance elle n’eut pas à répondre tout de suite. Les fils de Fatima, Hassan et Hossayn, apparurent. Ils vinrent poliment nous saluer avant de s’asseoir derrière leur mère.
    Aïcha dit :
    — Ô Fatima, tu sais que la fitna rôde dans Madina. Du haut de l’escalier du prêche, l’Envoyé a dit : « Croyants, laissez la fitna vous diviser et vous entrerez dans le mal détestable qui répugne plus que tout à Allah. » Pourtant certains disent déjà : « Aïcha se rappelle qu’Ali a demandé à l’Envoyé de la répudier. Elle a intrigué pour que son père devienne le successeur du Prophète. » Et moi, Aïcha, devant Dieu le Bien-Informé, je dis : C’est un mensonge. Omm Salama peut en témoigner. Pas un mot n’est sorti de ma bouche au jour des serments. Mon père Abu Bakr a dit : « Ali a été irréprochable. » Que les calomnies ne créent pas de nouvelle séparation entre toi, la fille bien-aimée de l’Envoyé, et moi, son épouse.
    Un sourire étira les lèvres exsangues de Fatima. Après un temps très long, elle rétorqua :
    — Que m’importe le successeur de mon père, Aïcha ? Allah m’a donné la vie pour que je me tienne au côté de l’Envoyé et le protège. Comment pourrais-je le protéger maintenant qu’il respire l’odeur de Dieu au paradis ?
    Elle parlait lentement, comme si les mots étaient des poids épouvantables. Avant de nous congédier, elle murmura :
    — Un jour, mon père a dit : « Fatima est une partie de moi-même. Il faut la traiter comme telle ». Ô Aïcha, comment une partie peut-elle survivre à ce qui est mort et la contenait ?
    Un mois plus tard, Fatima, fille de Muhammad, rejoignit son père tant aimé.

5.
    Omm Salama, Mère des Croyants, dit :
     
    Zama’a, ma fille, je suis plus vieille que vieille. Il reste si peu de moi que le vent du désert pourrait m’emporter s’il soufflait. Je n’ai plus de dents, je n’ai plus d’os solides et il n’est pas de figues dans tout le Hedjaz qui soient aussi sèches qu’Omm Salama, veuve de Muhammad le Messager. Dieu le veut ainsi ! Il me laisse endurer le temps et mâcher la bouillie réservée aux petits enfants.
    Lui seul sait pourquoi. Il sait tout de moi et de mes mots. Il n’a plus rien à apprendre de mes pensées. Il n’est pas, dans ce monde, un grain de poussière qui ne se soulève sans qu’Il en soit
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