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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha
Autoren: Marek Halter
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voilà qui est bien et comme cela doit être.
    Puis quand la chaleur du jour monta, son front se couvrit de sueur. Muhammad nous regarda, nous, ses femmes, la crainte dans les yeux.
    — Que Dieu me préserve de perdre connaissance quand mon frère Djibril approchera, chuchota-t-il.
    Il dit aussi :
    — Ô Tout-Puissant, aide-moi, ne laisse pas la peur m’envahir !
    Il demanda à Aïcha de soutenir sa tête devenue trop lourde. Elle se glissa dans son dos.
    — Viens, mon très-aimé, dit-elle en recueillant les tempes bénies entre ses seins.
    Un instant, je sortis pour aller chercher de l’eau et des linges propres.
    Les hommes, Ali, Omar et les autres discutaient, les yeux rougis de larmes. Ils s’énervaient, aussi, car l’Envoyé n’avait pas désigné de successeur.
    Omar dit :
    — Muhammad s’y refuse. Il nous faut l’accepter.
    Ali acquiesça. Il apaisa ses oncles, qui le pressaient de questionner le Prophète sur son choix.
    — Laissez-le ! Il n’a pas choisi. S’il ne dit rien, n’est-ce pas le signe qu’Allah souhaite son silence ?
    Abu Bakr soutenait Ali :
    — Il faut nous reposer, dit-il. La fatigue attise le mauvais esprit. Notre paix sera aussi la sienne.
     
    La nuit passa. Aïcha veillait.
    À l’aube, je lui apportai un bol de lait et quatre dattes. Comme je déposai le plateau, le visage de notre époux se couvrit d’une mauvaise sueur. Ses tempes ruisselèrent sur la poitrine d’Aïcha. Elle s’écria :
    — Amour !
    Notre époux ouvrit la bouche. Puis il partit rejoindre le Seigneur des mondes.

3.
    Longtemps, je crus que notre époux m’avait vue en cet instant. Aujourd’hui, je n’en jurerais pas. Son souffle le quitta dans un bruit d’ailes. Djibril emportait son âme.
     
    Aïcha fut malade trois jours durant.
    Tant mieux pour elle, car ce que je vis et entendis, j’aurais préféré ni le voir ni l’entendre.
     
    D’abord, Omar refusa d’accepter la mort de l’Envoyé. Il cria devant la mosquée :
    — Le Messager va revenir ! Seuls les hypocrites peuvent le croire mort !
    Il menaça tout le monde avec sa dague. Enfin Abu Bakr parvint à le calmer :
    — J’ai recouvert l’Envoyé de son manteau. Il est bien mort. Allah a dit : Tu mourras et eux aussi ils mourront [35] .
    À tous ceux qui s’amassaient dans la cour et devant la maison du Prophète, Abu Bakr annonça :
    — Croyants, Muhammad le Messager a quitté ce monde. Il était un apôtre et les apôtres meurent. Mais Allah est vivant, car Dieu ne meurt jamais !
    Des plaintes, des larmes, de l’épouvante et du chagrin.
    Mais pas pour tous.
    Avant le soir, alors que le Prophète n’était pas même enterré, tout ce qui liait depuis dix ans les Croyants venus de Mekka aux Croyants de Madina se défit tel un tissu à peine tissé !
    Ainsi commença la fitna maléfique !
     
    Allah me pardonne, j’ai vu de mes yeux cette pure horreur ! Des hommes comme des enfants stupides. Plus un bol de sagesse dans leur coeur. De l’ambition, de la haine, des crocs nus sous les lèvres.
    Tout ce qui fait que, depuis toujours, les hommes puisent dans la médiocrité de leurs entrailles pour prendre du plaisir à s’entretuer.
    Inutile de se perdre dans les détails.
    Que l’on sache ceci :
    Les hurlements se prolongèrent jusque dans la mosquée pendant deux jours. Le corps de l’Envoyé était toujours dans la couche d’Aïcha, qui ne voulait pas s’en éloigner. Abu Bakr parvint à remettre un peu d’ordre. Un nombre important proposa qu’il succède au Prophète.
    Il en avait la qualité. Et, depuis la première visite de l’ange Djibril, le Prophète lui avait manifesté sa confiance plus qu’à aucun autre.
     
    Quand cela se sut, le scorpion Abu Sofyan, venu aux funérailles, tira Ali sur le côté. Ignorant ma présence, ils parlèrent derrière le voile où je me tenais.
    D’un ton empli de mépris, Abu Sofyan décréta :
    — Ali ! Pourquoi abandonner le pouvoir sur les Croyants à Abu Bakr ? À Mekka, il est né dans l’insignifiance. Toi, ton père Abu Talib était né parmi les puissants. Il a eu la main sur la mâla. Ne laisse pas les hommes de rien prendre la succession du Prophète ! Demain, je ferai venir une armée de Mekka. Les Omayya te suivront. C’en sera fini d’Abu Bakr !
    Ali gronda :
    — Fiel de cochon ! Tu pues sous le nez des Croyants d’Allah depuis trop longtemps. Ton sang est pourri à jamais par le bois des idoles. À Mekka, l’Envoyé
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