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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne

Titel: Adieu Cayenne
Autoren: Albert Londres
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grisé de joie.
    Je me dis : « Eh bien ! mon
vieux Gégène, tu as fini de souffrir, hein ! » Je ris à
la pensée que je n’aurai pas besoin de me pendre ! Je
marche.
    Je ne regrette pas d’avoir donné ma ceinture à
un pauvre diable, mais c’est gênant. Je cherche un magasin. Je mets
bien une heure à le trouver. J’achète un mètre cinquante de corde
et je me ficelle à la taille. En route !
    * * *
    Soudain, je pense à l’avocat brésilien Pareto
junior, qui doit demander l’
habeas corpus
. Je n’en ai plus
besoin, je suis dehors ! Il faut que je le prévienne.
    J’ai sa carte. Il habite 68, rua Rosario. Où
est-ce ? Je m’informe. C’est dans Rio Branco, me dit-on.
J’étais comme un étranger qui, à Paris, chercherait la place de
l’Opéra. On me renseigne, en me dévisageant. Mais, aujourd’hui,
tout le monde peut me regarder : les chiens, les chevaux, les
hommes, la police. J’ai même envie de crier : « Regardez
bien, je suis un homme libre : » Rien ne me faisait plus
peur. Si vous m’aviez vu !
    Je vais vite. Je traverse la foule avec
volupté. C’est un bain que je n’avais pas pris depuis
longtemps ! C’est bon ! Je marche. Je marche. Voilà qui
doit être Rio Branco ; c’est large et long ; il y a des
autobus. Que c’est beau ! C’est Rio Branco.
    Voilà la Rosario. La rue est étroite, la foule
est plus dense. Je n’aurais jamais cru la vie si
agréable !
    * * *
    Numéro 40 ! J’approche, 60 !
68 ! Une plaque : J. V. Pareto junior,
advogado
.
    Je grimpe l’escalier. C’est à l’entresol. Pas
de sonnette, tout est ouvert. J’entre. Trois portes donnent dans
l’antichambre. Je mets mon nez à chacune. Dans la dernière pièce,
il y a du monde. J’hésite, puis j’avance. Je reconnais l’un des
deux messieurs qui sont venus me voir hier dans ma cellule :
M. Beaumont.
    Il me regarde. Je lui dis : « Je
suis Dieudonné. » Il se lève précipitamment. Il fait :
« Alors ! Alors ? » Qu’a-t-il ? «Pareto
est en train de demander l’
habeas corpus
, et vous voilà
ici ?» Je m’excuse. Je m’excuse d’être libre ! M.
Beaumont était en bras de chemise ; il empoigne son veston, il
m’empoigne. Dans l’escalier, il met sa veste. Nous sommes dans la
rue. Nous courons après un taxi, nous le prenons d’assaut.
« Supremo Tribunal ! » dit-il. La voiture nous
emporte.
    – Comment êtes-vous là ? me demande-t-il.
Je lui dis que la France renonce à mon extradition et que l’on m’a
mis dehors.
    – Depuis quand ?
    – Depuis une heure !
    – Et Pareto qui plaide pour vous ! Le
Supremo Tribunal. On s’y engouffre.
    M. Beaumont connaît les lieux. Nous nous
précipitons dans une salle d’audience. Les juges siègent. Un avocat
parle. C’est M. Pareto ; je le reconnais malgré sa robe. Sa
voix est forte, chaude, et j’entends qu’il lance Dieudonné !…
Dieudonné !…
    M. Beaumont va droit sur lui. Quelques mots.
L’avocat se tourne, me voit ; il reste la bouche ouverte. Les
juges, le public, tous portent les yeux sur moi.
    M. Pareto reprend haleine et s’adresse aux
juges. Il leur raconte l’événement. Il me montre. Les juges rient.
Les avocats rient. Le public bat des mains. M. Pareto termine par
quatre mots en français ; il s’écrie : « Louons la
grande France ! »
    Nous sortons.
    Une heure après, je me retrouve seul.
    Je marche. Je marche. Je me rends compte que
je suis perdu, mais je suis si content d’être perdu !
J’entends sonner dix heures du soir. Cela fait quatre heures que je
marche. Je ne me sens pas fatigué. J’oublie de manger. En prison,
j’aurais certainement eu faim ! La liberté nourrit
peut-être ?
    Je reviens dans Rio Branco. Alors, je vois des
cinémas avec leur façade en folie. De mon temps, les hommes, les
femmes, les enfants seuls se déguisaient. Les maisons se
travestissent, maintenant ? Que les places devaient coûter
cher dans de si belles maisons ! Soudain l’on m’arrête.
    – Comment ? On vous arrête
encore ?
    – Attendez ! Ce ne sont pas des
investigadores
, mais des jeunes filles qui quêtent pour la
Croix-Rouge. Je n’ai pas l’habitude d’être arrêté par de si jolies
mains ! L’une épingle un trèfle à mon revers. Non seulement je
suis libre, mais j’ai l’air d’un homme libre, puisque de vraies
jeunes filles n’ont plus peur de moi !
    Et les haut-parleurs ? Ce sont des
instruments…
    – Je sais, je sais.
    – Moi,
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