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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne

Titel: Adieu Cayenne
Autoren: Albert Londres
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civils. À chacun mon hôte me présente, et c’est, de leur
part, d’infinies protestations d’amitié. On parle toujours des
poules qui trouvent un couteau ; il faudrait changer cela et
mettre un peu à la mode le forçat qui rencontre la protection de la
police. C’est un étonnement d’une bien meilleure qualité.
    – Au Para, vous êtes chez vous, me disent tous
ces messieurs.
    Alors, je mets un gros cigare dans mon bec et
je laisse courir…
    On se lève tous trois. Il est dix heures. Nous
cheminons sans souci vers le port de Para. On y arrive. La prison
avait fait porter nos bagages. Je reconnais à la douane ma vieille
besace de Guyane. Je me baisse pour la charger ; l’agent 29 se
précipite et me la prend des mains. Je regarde partir avec
attendrissement, manié non sans respect par le représentant de la
loi, le dernier instrument de mon évasion !
    L’
Itabera
est tout illuminé. Je
trouve le bateau admirable. Après les pirogues d’Acoupa et de
Strong, vous pensez ! Nous gravissons la coupée. Soudain,
l’agent 29 opère un redressement prodigieux, M. Luiz
s’incline : le préfet de police et ses deux adjoints sont sur
le pont qui m’attendent.
    – Dites-moi, mon vieux Dieudonné, n’est-ce pas
un tout petit peu fort, cette dernière affaire-là ?
    Le visage de l’évadé marqua un grand
étonnement.
    – Ce n’est pas la peine de m’avoir écouté si
longtemps, si vous ne me croyez plus. Je ne dis que ce qui s’est
passé.
    – Le préfet et ses adjoints vous attendent.
Après ?
    – Ils me serrent la main. Les autres passagers
tournent autour de nous. Ah ! c’était curieux à voir,
l’embarquement de Dieudonné pour Rio de Janeiro, c’est moi qui vous
le dis ! Ce fut un événement. Le préfet de police me demande
de ne pas m’évader pendant le voyage. Je lui en donne ma parole. Il
ajoute : « Si l’on ne vous extrade pas, revenez au Para,
vous serez bien accueilli. » Je l’en remercie. Un journaliste
m’offre un cigare, le second préfet me tend une allumette, la
famille de l’agent 29, qui l’accompagne jusqu’à bord, vient me
serrer la main. Je tends mes mains. Je n’en ai pas assez pour tout
le monde. Je sens même que l’on m’embrasse. Je veux me dégager.
L’agent 29 me fait comprendre que c’est sa mère ; alors
j’offre l’autre joue. La sirène meugle. Les non voyageurs
descendent. Derniers cris. L’
Itabera
s’enfonce dans la
nuit amazonienne.
    On vogue. On vogue. Le 9 juillet, c’est Sao
Luiz de Maranhâo. Le 11, Fortaleza. Le 12, Aéra Branca. Le 13 au
soir, une féerie : Pernambuco ! Toute la journée, l’agent
29 a fourbi, astiqué, ciré. Il est prêt, ganté de blanc, revolver
au côté, visière sur les yeux. Il attend de pied ferme ceux de
Pernambuco. Il sautera à la gorge du premier policier qui osera
m’appréhender.
    Nous mouillons.
    Une vedette aborde. Elle porte trente
investigadores
de Pernambuco. Ils prennent le bateau
d’assaut. Aucun doute : ils vont m’enlever. L’agent 29 se met
devant moi. M. Luiz va à la rencontre de la troupe. Je reconnais
dans le nombre l’un de ceux venus à Belém pour m’arrêter. L’agent
29 me fait de petits signes qui signifient : « Qu’il
approche, et vous allez voir ! »
    Une seconde vedette : trente
journalistes. Le plus petit commence à soutenir la thèse de
Pernambuco, et dit que Pernambuco aurait parfaitement le droit de
m’arrêter. L’agent 29, champion de Para, fonce sur lui. À minuit,
les soixante visiteurs sont redescendus. M. Luiz, l’agent 29 et
moi, tous trois installés au bar, nous buvons à notre amitié, à la
victoire de Para sur Pernambuco et, comme nous sommes le 14
juillet, à la prise de là Bastille !
    Et c’est le lendemain. Nous descendons à
terre.
    Tous les journaux plaident en ma faveur. L’un
d’eux : à Noliciâ, annonce sur un immense placard pendu à son
balcon mon arrivée à Recife. L’agent 29 me montre la chose. La
foule, journal en mains, me reconnaît. On s’écarte pour me laisser
passer. Un homme m’offre un portrait de saint Vincent de Paul avec
une prière donnant trois cents jours d’indulgences. Le bon Dieu est
plus généreux que les hommes : à trois cents jours
d’indulgences pour une bonne pensée, notre grâce arriverait vite,
au bagne ! Un capucin me serre la main ! Mais l’agent 29
a soif. On va boire. On regagne l’
Itabera
. Départ. La mer
est mauvaise. L’agent 29 est malade ; il me confie
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