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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne

Titel: Adieu Cayenne
Autoren: Albert Londres
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Dieudonné. Dieudonné attendait dans
l’antichambre. Je fis remarquer que c’était revenir sur une
décision. Le consul me dit que, réflexion faite, il ne pouvait se
charger de pareille responsabilité.
    Cependant, il ajouta que, pour me faire
plaisir, il allait me proposer une solution. Je m’assis donc. Il ne
donnerait pas de passeport, mais un sauf-conduit. L’homme signerait
une formule où il reconnaîtrait se remettre entre les mains de là
justice française. Alors, le consul le ferait monter à bord comme
passager signalé. De plus, il télégraphierait à la police du port
de débarquement pour qu’elle vînt chercher mon forçat à
l’arrivée.
    Il était indispensable de faire à ce moment
deux déclarations. La première, c’était que, n’ayant jamais eu
l’idée de ramener Dieudonné clandestinement, la surveillance ne me
gênait pas. La deuxième fut pour remarquer qu’en toute saine
justice le moyen proposé ne convenait pas à l’homme à qui le
gouvernement désirait remettre une peine appliquée quinze années
auparavant, par erreur.
    Cela posé, je priai le consul d’appeler
Dieudonné. Dieudonné entra. Je lui dis que notre hôte refusait de
lui délivrer un passeport.
    « Ah ! » fit-il.
    Et sa figure se figea.
    J’ajoutai qu’il nous proposait une
combinaison. Quand Dieudonné eut écouté l’offre :
    « J’accepte, dit-il ; je n’ai jamais
fui la justice française, je suis prêt à tout ce que vous
voudrez. »
    Il était préférable de ne pas traiter à
chaud ; j’emmenai mon évadé.
    Pourquoi les autorités françaises du Brésil
avaient-elles changé d’avis ? À cause du bruit que cette
affaire faisait à Rio. Les préfets de police des divers États
continuaient d’expédier à Dieudonné des lettres amicales et
protectrices, et les journaux, prenant acte du geste du Petit
Parisien de ramener Dieudonné, écrivaient : « C’est un
homme libre que la presse brésilienne remet aux mains de la presse
française », et ils invoquaient l’esprit de justice de
« la France immortelle ». Ils parlaient de la Révolution
de 89. Ils rappelaient l’affaire Dreyfus. C’était un beau
tapage ! Une ambassade, un consulat n’osaient plus décider par
eux-mêmes. Ils avaient demandé des ordres au Quai-d’Orsay ;
les ordres n’arrivaient pas.
    * * *
    – Nous allons nous passer du consul, dis-je,
et revenir par Hambourg sur un bateau allemand.
    – Par Hambourg ? Jamais de la
vie !
    – Alors, voulez-vous par Gênes ?
    – Ni par Gênes. Je ne veux pas me cacher. Je
veux débarquer en France, et rien que là !
    – Mais, mon cher, avec le papier du consul et
le vapeur français, si nous tombons sur un commandant timide, il
vous, boucle pendant toute la traversée.
    – Eh ! cela n’empêchera pas que je sois
innocent !
    * * *
    Alors, nous nous promenâmes dans Rio de
Janeiro… assez longtemps.
    Un soir, il m’arrêta place Floriano, parce
qu’au quatrième étage une bande lumineuse déroulait les nouvelles
du vaste monde.
    – Continuons notre chemin, cela n’est pas
passionnant.
    Il restait immobile, le nez en l’air.
    – Qu’attendez-vous ? L’annonce de votre
grâce ?
    – Pas Même, mais il faut voir les dépêches de
Paris, il y en a.
    Les dépêches de Paris vinrent à leur tour.
Elles ne valaient pas que l’on s’arrêtât. Je le lui dis.
    – Pour vous, c’est possible, mais c’est un
plaisir pour moi. Rien que de lire le mot Paris et le mot. Hayas,
je me sens transporté au pays ; c’est comme ça pour nous
autres !
    * * *
    Enfin le Quai-d’Orsay répondit. Il donnait
l’ordre au consulat de délivrer un passeport à Dieudonné.
    – Cette fois, nous partons.
    – Cela vaut mieux. Tant pis si l’on m’enferme
à bord.
    – Mais non. Nous partons bras dessus bras
dessous. Le ministère a répondu. Vous avez le passeport.
    Il pleura.
    Le lendemain, à neuf heures du matin, on
frappa chez moi.
    – C’est Eugène ! entendis-je.
    J’ouvris. Il portait une valise. Un homme qui
possède un passeport doit avoir une valise.
    – Je l’ai payée trente-cinq milreis.
    Il ajouta :
    – Une valise, on dirait que c’est la liberté
qu’on a dans la main.
    J’examinai l’objet.
    – C’est une saleté. Elle ne supportera qu’un
voyage, encore tout juste.
    – Une saleté ? Une valise d’homme
libre ? Voilà quinze ans que je rêve à cet objet. Une
saleté ?
    * * *
    Mais c’est l’après-midi qu’eut lieu une
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