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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne

Titel: Adieu Cayenne
Autoren: Albert Londres
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j’ignorais. On ne nous fait pas défiler
les inventions nouvelles au bagne, vous savez ! Je suis resté
une heure devant celui de l’
Imperio
.
    Après, je suis reparti me promener. C’est si
bon de marcher dans une ville où il y a du bruit, des lumières, des
tramways, des autos qui manquent de vous écraser ! J’étais
affolé, je me garais maladroitement. C’était délicieux. J’arrive
comme ça devant un grand jardin que clôturent des grilles : le
jardin de la République. Je m’avance vers les barreaux et je leur
parle : « Bonjour, vieilles connaissances, vous allez
toujours bien ?» Et, regardant les arbres qui sont
« enfermés », je leur dis : « Pauvres
vieux ! »
    Il était deux heures de la nuit. Je me
promenais toujours.
    Tout de même, il faut se coucher. Je commence
à lorgner les hôtels. Dans mon esprit, je pense que cela me coûtera
dans les trois francs, un milreis !
    Je frappe à l’un qui me paraît être de cette
classe.
    – Huit milreis, répond-on.
    Je fais le calcul : vingt-six
francs ! Je crois que l’hôtelier est fou et je m’en vais.
    Je ne suis pas sans argent. Mais vingt-six
francs rien que pour dormir ?
    Je me promène, toujours aussi joyeux.
    À trois heures du matin, j’arpente l’avenue
Men de Sa.
    – Alors, vous n’avez pas mangé de toute cette
journée ?
    – Je pensais bien à ça ! Mais je me
dis : tu dois te coucher. Il ne faut pas qu’on t’arrête comme
rôdeur de nuit.
    Au numéro 109, je vois : « Hôtel
Nice » C’était déjà un peu de la France. L’hôtel me plut. Je
sonnai :
    – Sept milreis !
    Bah ! voilà seize ans que tu n’as pas
couché dans des draps ; tu peux bien t’offrir ce luxe pour le
plus beau jour de ta vie.
    Et je montai.
    Voilà ma chambre. Je tourne le bouton
électrique. Une glace au mur, un grand miroir où l’on se voit tout
entier ! Vous pensez si je me contemple. Depuis longtemps je
n’avais regardé comment j’étais fait. Un lit avec deux draps !
Et le matin, une petite femme de chambre qui m’apporte un café avec
un croissant. Un croissant ! Oui, monsieur !
    Eh bien ! cela, vous pouvez me croire,
c’est ce que l’on appelle retrouver la vie.

Chapitre 21 C’EST À CE MOMENT…
     
    C’est à ce moment où Dieudonné retrouvait la
vie, que, moi, je retrouvais Dieudonné.
    – Est-ce vrai, vous venez me chercher ?
Je vais voir la France ?
    Justement, nous passions devant la compagnie
des Chargeurs Réunis. Alors, naïvement, comme si nous allions
repartir sur-le-champ :
    – Tenez, c’est là. Débarquerons-nous au Havre
ou à Marseille ?
    – Vous avez attendu quinze ans ;
peut-être patienterez-vous encore quelques jours ! Écoutez
d’abord ce que j’ai à vous dire. Votre grâce est décidée,
paraît-il, mais elle n’est pas signée ; toutefois,
Moro-Giafferri a reçu du Gouvernement les assurances les plus
nettes à ce sujet. De plus, l’opinion publique étant avertie, je
crois pouvoir prendre sur moi d’organiser votre retour. Sommes-nous
d’accord ?
    – Savez-vous ce que je ne voudrais pas ?
Débarquer en France entre deux gendarmes. Mon fils ne m’a jamais vu
à l’état de prisonnier. Il est venu dans ma prison, mais il était
petit et ne comprenait pas. Il me disait : « Pourquoi ne
rentres-tu pas avec nous à la maison ? C’est-y que tu es
malade ? »
    – Mon ami, lui dis-je, on va tenter la
chance.
    * * *
    Au début, notre affaire se présenta bien. Le
consulat français m’avait promis de délivrer un passeport à mon
client.
    Nous étions tranquilles et même joyeux. Nous
allions déjeuner avec appétit. Nous visitions le jardin botanique,
nous gravissions le Corcovado. On nous vit plusieurs fois à Tijuca.
Comme si cela ne coûtait rien, nous nous offrîmes une belle petite
promenade jusqu’à Petropolis. Ne nous doutant pas du changement de
temps qui se préparait au-dessus de nos têtes, nous prenions la vie
par ses meilleurs côtés. Un homme, après quinze ans de bagne, a
besoin de ressusciter ; j’aidais à ce miracle.
    Une après-midi, vers trois heures, il commença
de pleuvoir sur notre bonne humeur. Nous avions gravi l’échelle, je
veux dire l’escalier qui conduit au consulat de France. L’heure
était venue de retirer le passeport. J’apprêtais mon plus beau
sourire en l’honneur du consul, quand l’éminent fonctionnaire,
m’ayant fait entrer dans son bureau, me déclara ne plus pouvoir
délivrer de passeport à
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