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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares
Autoren: Alessandro Barbero
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PROLOGUE
    Ce livre raconte une bataille qui a changé l’histoire du
monde, mais qui n’est pas aussi célèbre que Waterloo ou Stalingrad ; beaucoup
de gens n’en ont même jamais entendu parler. C’est pourtant une bataille qui, selon
certains, marqua la fin de l’Antiquité et le début du Moyen Âge, car elle
déclencha toute une suite d’événements qui, un siècle plus tard, allaient
conduire à la chute de l’Empire romain d’Occident. Cette dernière correspond à
une date dont tout le monde se souvient, parce qu’on la trouve dans les manuels
scolaires et qu’elle fait depuis longtemps partie des connaissances communes :
la déposition de Romulus Augustule en 476 après Jésus-Christ. Mais ce ne fut
rien d’autre que l’aboutissement d’un processus qui avait commencé bien plus
tôt, et à cette date les jeux étaient faits depuis longtemps. L’empereur était
un fantoche sans aucun pouvoir effectif ; l’empire s’était déjà désagrégé
et perdait ses morceaux l’un après l’autre. Les barbares étaient maîtres du jeu
en Gaule, en Espagne, en Afrique, et même en Italie ; Rome avait été
saccagée, non pas une fois, mais deux, par les Goths en 410 et par les Vandales
en 455 ; bref, la dissolution de l’empire était déjà si avancée que la
déposition du dernier empereur n’avait plus d’importance. Un célèbre article d’Arnaldo
Momigliano, intitulé « La chute silencieuse d’un empire », démontre
précisément que le prétendu grand événement de 476, l’éviction de Romulus
Augustule, laissa les contemporains indifférents.
    Si on en était arrivé là, si l’Empire romain, en Occident, s’était
réduit à une coquille vide, qui pouvait être abolie par un chef barbare sans
que nul ne proteste, ce fut à cause d’une série de coups durs qui avait
commencé exactement un siècle plus tôt. En 376, un afflux soudain de réfugiés
aux frontières de l’empire, et l’incapacité des autorités romaines à gérer de
façon adéquate cette situation d’urgence, avaient donné lieu à un affrontement
dramatique, culminant avec la défaite la plus désastreuse pour les Romains
depuis celle qu’Hannibal leur avait infligée à Cannes (Italie du Sud) en l’an 216
avant Jésus-Christ.
    Nous raconterons donc dans ce livre la bataille d’Andrinople
( Hadrianopolis ), qui eut lieu le 9 août 378, dans ce qui
constitue aujourd’hui la partie européenne de la Turquie et qui était alors la
province romaine de Thrace. Nous raconterons la bataille, et nous essaierons de
montrer qu’elle marqua véritablement la fin d’une époque et le commencement d’une
autre : une époque où il allait être de plus en plus difficile pour Rome
de dominer les barbares par la force et de continuer à se croire la seule superpuissance
mondiale. Nous parlerons d’Antiquité et de Moyen Âge, de Romains et de barbares,
d’un monde multiethnique et d’un empire en mutation, et de bien d’autres choses
encore : du christianisme, par exemple, qui était déjà la religion
officielle de l’Empire romain et commençait à se répandre chez les barbares en
modifiant leur culture. Mais le cœur de notre récit sera ce qui arriva ce
jour-là à Andrinople, dans les Balkans, pendant un long après-midi d’été.

I
L’EMPIRE ROMAIN AU IV e SIÈCLE

1.
    À quoi l’Empire romain ressemblait-il, en 378 après
Jésus-Christ ? Pour commencer, c’était un empire immense, dont les repères
géographiques étaient très différents de ceux de l’Europe actuelle. Aujourd’hui
notre civilisation est continentale, ouverte tout au plus vers l’Atlantique, tandis
que la Méditerranée est pour nous une frontière, au-delà de laquelle, selon la
perception ordinaire, commence une autre civilisation, un autre monde. L’Empire
romain, en revanche, coïncidait avec le bassin de la Méditerranée ; la mer
était son centre, « notre mer » (mare nostrum). Les limites de
l’empire se trouvaient ailleurs : c’étaient les grands fleuves – Rhin et
Danube – qui caractérisent à nos yeux le cœur de l’Europe, mais qui
représentaient pour les Romains des zones frontalières, les points extrêmes de
la civilisation. Un autre grand fleuve, le Tigre, constituait la frontière de
Rome du côté oriental ; les contrées qu’il traverse nous paraissent
lointaines et exotiques, alors que l’empire s’étendait jusqu’à elles. Les
fonctionnaires, les militaires et les marchands
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