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VIE DE LAZARILLE DE TORMÈS

VIE DE LAZARILLE DE TORMÈS

Titel: VIE DE LAZARILLE DE TORMÈS
Autoren: Anonyme
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de commun ces épîtres à la Berni, ces capitulos croustillants, d’un style aimable et lâché, souvent assez fade, et dépourvu de la grâce italienne du modèle, avec la phrase courte, incisive, la langue âpre, heurtée, parfois maladroite, mais d’une si singulière saveur du Lazarille  ? Et entre les œuvres sérieuses du magnat, ses sonnets, ses élégies qui sentent d’une lieue leur cinquecento , entre son fragment historique sur la révolte des Morisques, exercice de style avant tout, tentative de rehausser la prose espagnole en la moulant sur la syntaxe grecque ou latine, et le castillan sans apprêt, si vivant et si fort dans sa rudesse, de la nouvelle satirique, quel rapport ? Aucun à notre avis. Il faudrait au moins signaler une apparence d’analogie entre les écrits authentiques de Mendoza et celui qu’on s’acharne, sans preuves, à lui attribuer. On ne l’a pas fait. Laissons donc dormir le grand Don Diègue dans cette bibliothèque de l’Escurial, enrichie de son legs splendide, où sa mémoire est le plus vénérée, laissons en paix le savant, le jurisconsulte et le diplomate : sa gloire est assez grande et d’un autre genre, sa fortune littéraire peut se passer d’être grossie de notre petit livret.
    Il y a plus de cas à faire d’une autre tradition qu’a consignée un religieux espagnol, le P. Siguenza, dans une histoire de l’ordre de saint Jérôme parue en 1605. Selon cet écrivain, un général des Hiéronymites élu en 1552, Fr. Juan de Ortega, « aurait, dit-on ( dizen ), dans sa jeunesse, étant étudiant à Salamanque, composé le petit livre appelé Lazarille de Tormès , qui est dans toutes les mains… L’indice qu’on en donne est que le brouillon dudit livre, écrit de sa propre main, fut trouvé dans sa cellule. » Ortega avait un esprit alerte, libre, très remuant : il en pâtit. Des réformes qu’il voulut introduire dans son ordre rencontrèrent une vive opposition et causèrent sa disgrâce. Toutefois, Charles-Quint, qui devait le tenir en haute estime, ne l’abandonna pas, et lorsqu’il fut retiré à Yuste, l’appela auprès de lui, le chargea d’organiser la musique religieuse du monastère et l’admit dans sa familiarité. Il serait piquant qu’un tel personnage eût conçu l’idée du Lazarille et l’eût écrit. Mais le « on-dit » de Siguenza est vague, puis il n’échappe à personne qu’on peut bien avoir eu par devers soi le brouillon d’un ouvrage, sans qu’il résulte qu’on en soit l’auteur. Ortega, tel qu’on nous le dépeint, mêlé à tous les incidents de la vie de couvent, profond connaisseur du clergé, hardi et lettré ( amigo de letras ), est bien l’homme qu’il nous faudrait, et assurément il ne saurait nous déplaire qu’un prêtre ou un religieux eût écrit cette verte satire. Souhaitons que la lumière se fasse : pour l’instant la question reste ouverte.
    À défaut d’Ortega, je chercherais aux alentours des frères Valdès, dans ce milieu d’esprits très libres, très préoccupés de questions sociales, politiques et religieuses, en littérature disciples et imitateurs de Lucien, que Charles-Quint toléra un temps et que l’intransigeance de Philippe II devait extirper à jamais du sol de l’Espagne. N’y aurait-il pas aussi quelque lointain cousinage entre notre nouvelle et un livre bizarre, mal composé, mais plein de détails de mœurs curieux, les Castagnettes ( El Crotalon ), qu’on nous a naguère exhumé et dont l’auteur est inconnu ? L’enfance de l’Alexandre de cette satire lucianesque n’a-t-elle pas quelque analogie avec les premières étapes de Lazarille ? Les deux livres, il est vrai, se ressemblent peu pour le style : autant le nôtre est sobre, nerveux, rapide, autant l’autre est lourdement pédant et enchevêtré, mais l’esprit en est à bien des égards le même.
    Résignons-nous à ne pas savoir. L’inconvénient est d’ailleurs assez mince ; car, à moins qu’il ne fût un personnage considérable, auquel cas nous aurions sans doute quelques notions sur sa vie et les motifs qui l’ont fait écrire, l’auteur de Lazarille avec ou sans nom, qu’importe ? L’essentiel est d’avoir le livre.
    Son succès en Espagne, qui fut grand et durable, n’a pas tenu seulement au fond même, à l’évidente ressemblance des portraits, à l’humour et à la verve si espagnols dont il est saturé, mais tout autant, si ce n’est plus, à la qualité de sa
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