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VIE DE LAZARILLE DE TORMÈS

VIE DE LAZARILLE DE TORMÈS

Titel: VIE DE LAZARILLE DE TORMÈS
Autoren: Anonyme
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langue.
    Il faut dire quelque chose de cette langue. Parmi les contemporains, les uns la placent très haut, la proclament inimitable : c’est le plus grand nombre ; d’autres font leurs réserves et même la rabaissent singulièrement. Ce Juan de Luna, « natif de Castille et interprète de la langue espagnole », qui, au temps de Louis XIII, vint chez nous corriger et continuer le Lazarille , ne cache pas son dédain pour ce langage, à son avis, barbare et démodé. « Tant de gens lisent ce livre et y étudient la langue espagnole, l’estimant un répertoire de toutes ses bonnes phrases ! Or, cela n’est pas ; car son langage est grossier, son style plat, sa phrase plus française qu’espagnole. » Cette dernière remarque surtout est pour nous étonner, nous qui tenons le Lazarille pour une quintessence de la vieille prose castillane. Mais il était orfèvre le bon Luna et, partant, ne saurait être tenu pour juge impartial dans la question ; puis, comme contemporain, sinon disciple, des cultistes et conceptistes , qui avaient fait dévier le castillan de sa ligne droite pour le jeter dans le redondant et l’amphigourique, on conçoit qu’il trouvât plate et sèche la manière du vieux conteur du XVI e siècle. Qu’entend-il pourtant par une « phrase plus française qu’espagnole ? » J’imagine qu’il a été frappé de l’emploi vraiment excessif des pronoms je, tu, il , du premier surtout, alors que le castillan correct se contente de marquer la personne par la forme du verbe, n’employant le pronom que lorsqu’il y a lieu d’insister : decia , je disais ; mais yo decia , c’est moi qui disais. En outre des mots, communs jadis aux deux langues, n’étaient plus usités dans le castillan du XVII e siècle ; on ne disait plus guère no curé de lo saber , je n’ai cure de le savoir, ni coraje pour colère, ni luengo pour long, etc. : archaïsmes donc, au point de vue de Luna, mais non pas gallicismes.
    Avec la permission de maître Luna, nous jugeons différemment de ce langage. Il nous paraît d’une fort jolie facture, et ce que le reviseur a taxé de platitude, nous fait l’effet plutôt d’une remarquable sobriété, dont il est à déplorer que les Espagnols se soient départis. De la maladresse, il y en a dans ce livre ; l’auteur éprouve quelque gêne à bâtir une phrase un peu longue, il s’empêtre parfois et ses transitions sont pénibles ; trop de lourds adverbes et conjonctions : finalement, en ce temps, de manière que, de cette manière , etc. En somme, une certaine gaucherie dans la construction, et comment en serait-il autrement ? Rappelons-nous que le livre date officiellement de 1554 et a pu être écrit, une dizaine, une vingtaine d’années auparavant. Qu’avions-nous alors en France ? À peine Rabelais. Sauf cela il n’y a qu’à admirer. Que d’heureuses trouvailles d’expression ! Que de locutions marquées au bon coin ! L’auteur du Lazarille me paraît être avec Antonio de Guevara, l’introducteur en castillan d’un genre de grâces , que Cervantes a été seul au XVII e siècle à ressaisir, et que les fins connaisseurs butinent avec soin et imitent quand ils peuvent, j’entends surtout certaines répétitions, allitérations et antithèses, qui produisent une manière de cadence, un tic-tac dont l’oreille espagnole se déclare satisfaite. Puis il a eu cette bonne fortune, réservée à peu d’écrivains, de créer quelques locutions devenues proverbiales. Le nom de son héros, d’abord, Lazarillo , a pris tout à fait la valeur d’un nom commun. Un lazarillo , c’est couramment en castillan un guide ; servir de lazarillo à quelqu’un, c’est le conduire. Un guide de Madrid, publié au siècle dernier à l’usage des habitants du lieu et des étrangers, s’intitule : Lazarillo ó nueva guia para los naturales y forasteros de Madrid . Citons encore le mot féroce de Lazarille à son aveugle, quand celui-ci s’est fendu le crâne contre le pilier d’Escalona : « Comment, vous avez flairé la saucisse et vous n’avez pas flairé le pilier ? Flairez-le. » Cette phrase est entrée dans le vocabulaire castillan et n’en sortira plus. Flairer un danger ne se dit pas autrement que oler el poste , et au XVII e siècle déjà la locution était usée à force d’avoir servi : un auteur comique, Luis Quiñones de Benavente, la traite de cliché ( civilidad ).
    Le caractère si franc, si actuel, si populaire de
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