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VIE DE LAZARILLE DE TORMÈS

VIE DE LAZARILLE DE TORMÈS

Titel: VIE DE LAZARILLE DE TORMÈS
Autoren: Anonyme
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lui dirent que s’il pouvait quelque chose pour délivrer l’alguazil du péril où il était et des souffrances qu’il souffrait, il le fît pour l’amour de Dieu, car ils étaient pleinement convaincus de la faute du coupable et de sa vérité et bonté à lui, le Seigneur, à sa requête et pour le venger, n’ayant voulu différer le châtiment.
    M. le Commissaire, comme qui se réveille d’un doux sommeil, les regarda, regarda le délinquant et tous ceux qui l’entouraient, puis, d’un ton fort posé, leur dit : « Bonnes gens, jamais vous n’auriez dû prier pour un homme en qui Dieu a si puissamment manifesté sa puissance ; toutefois, comme il nous commande de ne point rendre mal pour mal, mais de pardonner les injures, nous pouvons en confiance supplier Sa Majesté divine qu’Elle accomplisse ce qu’Elle nous ordonne de faire et pardonne à celui qui l’a offensée en mettant obstacle au triomphe de la sainte foi. Allons tous le prier. » Et, descendant de sa chaire, leur recommanda de supplier fort dévotement Notre-Seigneur d’avoir pour agréable de pardonner à ce pécheur, de lui rendre la santé et le bon sens et de chasser de son corps le démon, puisque Sa Majesté avait permis que pour son grand péché il y entrât.
    Tous se jetèrent à genoux, et, devant l’autel, avec les prêtres, commencèrent à chanter à voix basse une litanie, tandis que monsieur mon maître, prenant la croix et l’eau bénite, alla auprès de l’alguazil, sur le corps duquel il chanta ; puis, levant au ciel ses mains et ses yeux, dont on ne voyait presque plus rien qu’un peu de blanc, commença une oraison, non moins longue que dévote, qui fit pleurer toute l’assistance (comme il arrive coutumièrement aux sermons de la Passion, lorsqu’ils sont prêchés par un dévot prédicateur à un auditoire dévot), suppliant Notre-Seigneur, qui ne veut pas la mort du pécheur, mais sa vie et son repentir, de pardonner et de donner vie et santé à ce malheureux, induit par le démon et sollicité par la mort et le péché, afin qu’il se repentît et confessât ses fautes.
    Cela fait, il commanda d’apporter la bulle, qu’il mit sur la tête de l’alguazil. Aussitôt le pécheur commença à se sentir mieux et peu à peu reprit connaissance. Et, lorsqu’il fut bien retourné en son bon sens, il se jeta aux pieds de M. le Commissaire et lui demanda pardon, confessant avoir dit ce que j’ai rapporté par la bouche et le commandement du démon, premièrement pour faire tort à mon maître et se venger de l’injure qu’il en avait reçue, puis, surtout, à cause que le démon était très chagrin du bien que les gens allaient recevoir en prenant la bulle.
    Le seigneur mon maître lui pardonna et tous deux se réconcilièrent. Et à prendre la bulle il y eut si grande presse, qu’en tout le village âme vivante ne s’en voulut passer : mari et femme, garçons et filles, serviteurs et servantes, tous la prirent.
    La nouvelle du cas se répandit par les villages circonvoisins, de sorte que, lorsque nous y arrivions, il n’était pas besoin de prêcher le sermon ni d’aller à l’église, car les gens venaient prendre les bulles au logis, comme si ç’avaient été des poires qu’on eut donné gratis. De manière que, dans dix ou douze villages des alentours où nous fûmes, mon maître distribua tout autant de milliers de bulles sans la moindre prédication.
    Quand le tour fut joué, je dois confesser humblement que, comme les autres, j’en fus épouvanté et crus que c’était vrai ; mais après, à entendre les rires et moqueries qu’en firent mon maître et l’alguazil, je compris que tout avait été imaginé par mon industrieux et inventif maître, et, quoique enfant, trouvai bonne la plaisanterie et me dis à part moi : Combien ces farceurs en doivent-ils bailler de semblables aux innocentes gens !
    Finalement, je demeurai avec ce cinquième maître près de quatre mois, pendant lesquels j’endurai aussi de grandes fatigues.

CHAPITRE VII – COMMENT LAZARE ENTRA AU SERVICE D’UN CHAPELAIN ET CE QUI LUI ARRIVA
    E NSUITE je servis un maître peintre de tambourins, pour lui broyer ses couleurs, et, là encore, je souffris mille maux.
    Or, étant en ce temps assez grand garçon, un jour que j’étais entré dans la grande église, l’un de ses chapelains me retint à son service et me bailla en charge un bon âne, quatre cruches et un fouet, pour porter de l’eau par la ville. Ce
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