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Vidocq - le Napoléon de la Police

Vidocq - le Napoléon de la Police

Titel: Vidocq - le Napoléon de la Police
Autoren: Marie-Hélène Parinaud
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populeux pour que l’on puisse remarquer les médecins qui vont
et viennent, chaque jour plus nombreux, avec des mines inquiètes. Comme vingt
ans auparavant, d’étranges symptômes abattent leurs patients. La plupart des
malades passent encore inaperçus, on ne les remarque que lorsqu’ils n’ont plus
la force d’arriver chez eux et s’effondrent dans la rue.
    Les employés de la morgue sont
surpris de l’aspect que prennent ces cadavres au fil des heures. Ils tournent
au bleu et même au noir.
    Quant aux visages, ils deviennent
méconnaissables. Les lèvres retroussées découvrent largement la mâchoire,
montrant les dents comme s’ils voulaient mordre. On dirait qu’une main de fer tire
la peau en arrière pour faire saillir leurs yeux et leur gencive. Le premier
légiste, à qui on montre ces étranges cadavres, interdit de continuer à les
exposer au public. Il terrorise les employés en leur imposant l’isolation de
tous ceux qui ont touché à ces corps, qu’il fait inhumer aussitôt et recouvrir
de chaux vive. Réunissant quelques confrères, ils échangent leurs impressions.
Tous ont diagnostiqué une nouvelle attaque de choléra. Lorsqu’ils parlent de
leurs patients, c’est en chiffre.
    « Combien dans votre
quartier ? Vingt-trois morts, ce soir. »
    Le mot d’ordre des autorités est de
ne pas affoler la population. Les mesures à prendre doivent donc être
discrètes.
    Nul ne veut revivre la dernière
attaque, vingt ans auparavant en 1832. La vie de la cité s’était arrêtée,
l’armée avait formé un cordon sanitaire essayant d’isoler la ville des
alentours et de stopper la propagation de l’épidémie. Le président du Conseil
et ministre de l’Intérieur, Casimir Perier avait voulu donner l’exemple. Il
était resté dans Paris et mourut de ce mal, après avoir visité les cholériques
de l’Hôtel-Dieu. Chacun connaît la cause de ce mal, la pollution. La ville
n’est qu’un immense cloaque où plus d’un million de personnes s’entassent dans
des immeubles malsains, offrant des circonstances idéales à la propagation de
la moindre épidémie. Lorsque la municipalité avait voulu améliorer le nettoyage
en faisant enlever les ordures qui encombrent les rues, les chiffonniers ont
fait une émeute et empêché la voirie d’effectuer leur travail. Ils voulaient
continuer à fouiller à leur aise les détritus avec leur grand crochet. Le
gouvernement ayant encore plus peur de la Révolution que de l’épidémie, a fait
marche arrière et tout est resté en l’état.
     
    Les médecins, sachant que les puits sont
un des vecteurs de la propagation de la maladie, ont suggéré de faire amener de
l’eau saine plutôt que le liquide vaseux que les porteurs d’eau vendent aux
ménagères. Mais pas question non plus de déranger cette corporation en les
obligeant à s’approvisionner aux sources de Passy. Peu à peu cependant, des
tentures noires semées de larmes d’argent, qui accrochées aux portes des
immeubles signalent un mort, se répandent dans la cité. Tous les quartiers sont
atteints. Dans ceux du faubourg Saint-Germain et du Palais-Royal, de la paille
est répandue dans les rues pour que le bruit des roues de voitures ne troublent
pas l’agonie des mourants. Impossible d’ignorer qu’une grave maladie s’empare
de la ville. La population finit par se douter de quelque chose et devant la
chaux et le chlore que l’on répand dans les rues, croit que certains
contaminent les puits. Elle cherche les coupables. On commence à se raconter
des histoires extravagantes d’inconnus pris sur le fait, au moment où il jette
une poudre infectée dans un abreuvoir. Tous rêvent d’attraper un de ces
monstres empoisonneurs et de lui régler son compte. Il ne fait pas bon
s’approcher d’un point d’eau lorsqu’on n’est pas du quartier.
    Le long du faubourg Saint-Antoine,
deux hommes parcourent la rue, discutant de leurs affaires. L’un fume un
cigare, l’autre préfère sucer des boules de gomme. Ils croisent une petite
vendeuse d’allumettes en haillons qui mendie à l’angle de la rue Saint-Nicolas.
Le premier lui jette un sou, l’autre lui offre de prendre un bonbon. Un
hurlement de l’autre côté de la rue arrête son geste. Un chiffonnier, paniqué,
alerte les habitants du quartier : « N’prends pas ça p’tiote. C’est
pour te faire mourir ! »
    En moins d’une minute, les passants
dans la rue sont devenus une foule haineuse qui
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