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Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Titel: Un Dimanche à La Piscine à Kigali
Autoren: Gil Courtemanche
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Gentille en seins de femme, depuis six mois qu’il bande seulement quand Gentille promène ses seins gentils entre les tables de la terrasse ou de la salle à manger, Valcourt n’entretient plus qu’un seul projet, « enfiler » Gentille, expression favorite de Léautaud qu’il a découvert à cause d’une femme plus cruelle que tous les mots de l’horrible Paul et qui l’a laissé en morceaux épars comme une carcasse mal débitée sur un étal sanglant.
    « Je suis le neveu du président ! » hurle encore le Rwandais qui revient de Paris.
    Non, il n’est pas un des neveux du président. Valcourt les connaît tous. Celui qui au Québec se donne des airs d’étudiant en sciences politiques, mais qui organise les escadrons de la mort faisant la chasse aux Tutsis, la nuit, à Remero, à Gikondo ou à Nyamirambo. Et l’autre qui contrôle la vente des préservatifs offerts par l’aide internationale, et l’autre encore, le sidéen, qui croit qu’en baisant de jeunes vierges il se libère de son empoisonnement, et les trois autres qui sont militaires et protecteurs des putains du Kigali Night, les putains les plus « propres » de Kigali, que les paras français se tapent sans capote dans les bosquets qui entourent le bar, parce qu’Eugène, Clovis et Firmin, les neveux du président, leur disent qu’ils les baisent sans capote et qu’ils ne sont pas malades. Et ces petits cons de corbeaux tricolores qui les croient. D’autant plus que le Kigali Night appartient à un des fils du président.
    Gentille, déjà timide, marche maintenant comme une femme en deuil. Valcourt commande « une grosse Mutzig, ma petite Gentille ». Il vient près de prononcer quelques mots pour la réconforter, mais se sent bêtement démuni devant cette jeune femme trop belle. Et puis il sera bientôt six heures et, autour de la piscine, tous les acteurs du rituel quotidien de l’apéro auront pris place dans la même mise en scène que la veille. Et Valcourt jouera son rôle, comme tous les autres. Le stylo Mont-Blanc bouge : « Je me fais un fondu aux Noirs. »
    Voilà Raphaël et sa bande de copains qui travaillent à la Banque populaire du Rwanda. Ils repartiront à minuit quand le bar du quatrième fermera. Et monsieur Faustin, qui sera premier ministre quand le président donnera la démocratie à ses enfants. Viendront se joindre à lui les autres membres de la table de l’opposition, Landouald, ministre du Travail qui est entré en politique pour faire plaisir à sa femme, une Québécoise libérée, et quelques autres qui feront des courbettes en allant trois fois se servir au buffet. Un conseiller de l’ambassade de Belgique affichera une mine circonspecte en s’arrêtant quelques minutes afin de ne diplomatiquement rien dire des accords de paix et de transfert des pouvoirs que le président accepte tous les six mois mais ne signe jamais, sous prétexte que c’est la saison des pluies, que sa femme est à Paris, que les dernières cargaisons d’armes ne sont toujours pas arrivées du Zaïre ou que le mari de sa secrétaire est malade.
    Depuis deux ans, tous les jours à la piscine, on parle inlassablement du changement qui se prépare, on déclare qu’il sera là demain ou mardi, mercredi au plus tard. Mais cette fois, c’est vrai, et un grand frisson de rumeur saisit les habitués. Le mari de la secrétaire du président est mort du sida il y a deux jours à Paris où il était hospitalisé depuis six mois. C’est Émérita, taxiwoman, businesswoman, le meilleur taux au marché noir du franc rwandais, qui est venue le dire à monsieur Faustin. Un médecin du Val-de-Grâce, arrivé ce matin, l’a dit au premier secrétaire de l’ambassade de France, qui l’a répété à Émérita qui lui rend de menus services, tout en sachant qu’elle s’empresserait d’annoncer la nouvelle à monsieur Faustin. Le mari de la secrétaire du président était un parfait idiot qui se contentait d’exploiter sa licence exclusive d’importation des pneus Michelin, mais la rumeur veut que sa femme ne doive pas son ascension foudroyante dans les rangs de la fonction publique à ses prouesses dactylographiques. Le service de renseignements de l’ambassade, joint par un des frères de madame la présidente il y a quelques mois, a rassuré ce quémandeur désintéressé : tout cela n’était que racontars malicieux provenant des milieux de l’opposition.
    Peu importe, dans une demi-heure, quand Émérita aura
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