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Un caprice de Bonaparte

Un caprice de Bonaparte

Titel: Un caprice de Bonaparte
Autoren: Stefan Zweig
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justice.

     
    FOUCHÉ.
     
    A quoi bon ? Pour l’instant il n’est pas du tout de notre intérêt d’engager des poursuites contre vous.
     
    FOURÈS.
     
    Mais il est du mien, citoyen ministre ! Je veux que vous engagiez ces poursuites parce que mon inculpation implique celle de Bonaparte. Et que vous le vouliez ou non, je vous y contraindrai.
     
    FOUCHÉ.
     
    Vous vous trompez, citoyen lieutenant ! L’individu n’obtient rien contre la collectivité. Vous ne trouverez pas de juge en France qui veuille juger Bonaparte... et pas d’avocat qui veuille vous soutenir contre le défenseur de la France ! Si je ne m’abuse, vous avez déjà une petite expérience...
     
    FOURÈS, bondissant .
     
    Ah, Descazes, ce coquin ! Je comprends, maintenant : il est à vos ordres, vous l’avez acheté !
     
    FOUCHÉ.
     
    Non, pas acheté, mais informé ! Et cela a suffi ! ( Silence )... Et maintenant, soyez raisonnable et écoutez-moi, Fourès... Demain — je vous tiens pour un honnête homme à qui je peux confier un secret militaire — demain le Consul prend en main le commandement de l’armée du Sud. Une grande campagne, une campagne décisive est en cours en Italie ! Le sort de la République en dépend. Vous êtes officier, je vous fais juge : est-ce le moment d’accuser le chef de notre meilleure armée ?Que votre cause soit juste ou injuste, vous avez en ce moment contre vous la cause supérieure de la patrie.
     
    FOURÈS, agressif et amer.
     
    La patrie, ha ! ha ! parlons-en ! J’attendais que vous me sortiez ce drapeau-là qui sert à couvrir toutes vos sales combines ! Merci de la leçon, citoyen ministre, mais moi j’ai servi la République avec ma peau, loyalement, courageusement, aveuglément pendant sept ans ! Seulement en Egypte toutes sortes de faits m’ont éclairé et j’ai l’honneur de vous dire que je m’en fous d’une patrie qui met un flibustier plus haut que la liberté ! Pourquoi faut-il que ce soit toujours moi, nous, le peuple, les imbéciles qui trimions et nous sacrifiions pour la patrie ? Quand il s’agit de profit et de gloire, les maîtres sont au premier rang ; quand il est question de sacrifice, c’est nous qu’on pousse en avant ! Bonaparte a-t-il pensé à sa patrie quand il a emmené ma femme ? Non, citoyen ministre, on ne m’aura plus avec ces grands mots ! ( Il élève la voix ) En tant que citoyen, je demande que la patrie reconnaisse mes droits, c’est la justice que j’exige. Et je crierai jusqu’à ce que je me sois fait entendre !
     
    FOUCHÉ, très calme.
     
    Non, Fourès, personne ne vous entendra ! Ne vous faites aucune illusion : le nécessaire est fait. ( Il pose sur Fourès un regard pénétrant ) Vous voulez absolument renverser un mur avec la tête ! Mais vous oubliez que derrière ce mur il y a la France ! Aussi, quoique vous fassiez, il n’y aura jamais d’affaire Fourès... simplement parce que je ne le permettrai pas. Mais si vous continuiez avec vos réclamations je serais fondé àcroire que... ( il joue avec son crayon ) que vous êtes victime d’une idée fixe... d’une manie qui vous fait voir des ennemis partout... et qu’on appelle manie de la persécution... Vous savez, certainement, comment on soigne ce genre de malades ! Vous ne seriez pas traduit devant un tribunal, non, abandonnez cet espoir, mais on vous conduirait à Bicêtre... une maison aux portes solides et aux murs épais... une maison dont les portes ne s’ouvrent que pour y entrer... Je pense que vous m’avez compris !
     
    FOURÈS se dresse. Il est pâle et sa voix tremble de colère .
     
    Et vous osez énoncer ouvertement pareille infamie ?
     
    FOUCHÉ se lève, lui aussi, et avec fermeté :
     
    Oui, et j’irai même jusqu’à la commettre sans retenue, citoyen Fourès ! Ma conscience et l’histoire me donneront raison de ne pas tolérer qu’un quelconque monsieur Fourès cause des ennuis au général Bonaparte à un moment où se joue le destin de la nation. Dites-vous bien, citoyen Fourès, que pour la justice votre personne importe peu et qu’à l’heure actuelle tout l’intérêt du pays est porté sur un seul homme : Bonaparte ! Si vous luttez contre lui, vous succomberez, et même pas dans l’honneur. Personne ne lèvera le petit doigt pour vous défendre et il n’y a rien de plus stupide sur terre qu’un sacrifice qui n’a pas de sens. Telle est la situation, lieutenant Fourès, vous voilà renseigné ! Ne
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